Il y a quelquâun dans la maison. Ce nâest pas une pensĂ©e rĂ©flĂ©chie, plutĂŽt une sensation instinctive, primaire, et je me redresse, Ă©veillĂ©e en sursaut, le cĆur battant. Le rĂ©veil indique 01 h 13, je ne bouge pas, aux aguets, sĂ»re que je vais entendre un craquement dans le couloir ou voir une ombre Ă©merger, menaçante, dâun des coins sombres de la chambre. Mais non, rien. Rien du tout. Juste le martĂšlement de la pluie sur les vitres et la rumeur habituelle dâune nuit normale. Jâai la chair de poule. Quelque chose mâa rĂ©veillĂ©e. Pas un rĂȘve. Autre chose. Quelque chose dans la maison. Je nâarrive pas Ă me dĂ©barrasser de cette impression, comme quand jâĂ©tais gamine et que les cauchemars sâaccrochaient si fort Ă moi que jâĂ©tais certaine de revivre cette nuit-lĂ , tant et si bien que ma mĂšre adoptive se prĂ©cipitait pour me calmer avant que je ne rĂ©veille tout le monde. Robert dort Ă poings fermĂ©s, sur le cĂŽtĂ©, me tournant le dos. Je ne le dĂ©range pas. Je me fais sans doute des idĂ©es, mais quand mĂȘme, lâinquiĂ©tude me taraude. Les enfants. Je ne pourrai pas retrouver le sommeil sans avoir vĂ©rifiĂ©, alors je me lĂšve, les frissons remontant le long de mon corps ; je me glisse sur le palier. Face au couloir, je me sens toute petite, la pĂ©nombre donne lâimpression quâil est sans fin, la gueule dâun monstre bĂ©ante devant moi. Jâavance â je suis une mĂšre et une Ă©pouse. Une avocate respectĂ©e. Ceci est ma maison. Mon abri â et je regrette de ne pas avoir pris mon tĂ©lĂ©phone pour mâĂ©clairer. Je regarde par-dessus la rampe de lâescalier. En bas, rien ne bouge, les ombres sont figĂ©es. Pas de bruissement de cambrioleurs dĂ©rangĂ©s dans leur besogne. Aucune menace. Une rafale de vent qui projette une giclĂ©e de pluie contre notre grande fenĂȘtre cathĂ©drale me fait sursauter. Je mâen approche, une arche dâun noir parfait. Je presse mon visage contre le verre froid ; dehors, je distingue Ă peine les formes vagues des arbres. Pas de lumiĂšre. Aucune activitĂ©. Pourtant, je frissonne encore en me retournant pour emprunter lâautre partie du L qui mĂšne aux chambres des enfants. Des pas qui dansent sur ma tombe. DĂšs que je pousse la porte de Will, je me sens mieux. Mon petit garçon, cinq ans et maintenant Ă la grande Ă©cole, dort sur le dos, la couette dinosaure repoussĂ©e et ses cheveux sombres, si semblables aux miens, collĂ©s par la sueur. Peut-ĂȘtre fait-il un mauvais rĂȘve lui aussi. Je le recouvre avec soin, mais malgrĂ© ma prudence, il sâĂ©tire et ouvre les yeux. â Maman ? |