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Vendredi 24 novembre 2023

Tout a commencé par « Ah tiens, c’est Ann Scott qui a reçu le prix Renaudot ! Mais elle écrit encore Ann Scott ? ». La réflexion était peu amène pour l’autrice, il faut en convenir, mais on peut l’expliquer.

Pour nous, Ann Scott, c’était l’écrivaine d’une certaine vie parisienne entre la fin des 1990 et le début des années 2000. La musique, la drogue, les amours compliquées. Tout ça, elle le racontait très bien dans « Superstars » (Flammarion, 2000), « Le Pire des mondes » (Flammarion 2004) ou encore « Héroïne » (Flammarion 2005). Elle parlait de gens qu’on connaissait de loin (par exemple de djettes très en vogue à l’époque, d’icônes lesbiennes assez fascinantes), de lieux qu’on fréquentait (comme la très regrettée boite de nuit le Pulp), mais en livrait une version qui nous était inaccessible, parce qu’intime, parce que retravaillée par son regard propre et sa langue abrupte, cruelle, et aussi étonnamment lyrique par endroits.

Bêtement, c’est là qu’on avait laissé Ann Scott, on lui avait collé une étiquette de chroniqueuse d’un monde aujourd’hui disparu. Nous n’avions pas suivi sa deuxième « carrière », si l’on peut dire, à savoir ses romans sur le terrorisme : « Cortex » (Stock, 2017), « La Grâce et les Ténèbres » (Calmann-Lévy, 2020).

Et donc, quand à l’occasion du Renaudot (comme quoi, ça sert à ça aussi les prix) octroyé à son roman« Les Insolents » (Calmann-Lévy), nous avons à nouveau ouvert un livre d’Ann Scott, ça nous a fait un drôle d’effet.

D’abord, il y a eu le plaisir immédiat d’y retrouver ce qu’on avait aimé jadis − un regard, une langue − mais appliqués à un tout autre monde. Ce monde, c’est celui d’une quarantenaire qui, juste avant la pandémie, décide d’abandonner sa vie parisienne − le Marais, les restaurants italiens, les opéras, les amis chics et névrosés − pour louer une maison en Bretagne. Elle-même ne sait pas trop ce qu’elle cherche dans ce déplacement. C’est ça qui est beau. Comme est belle la description très minutieuse de l’installation : l’aménagement, les courses dans les supermarchés du coin, les premières promenades…

Ensuite, il y a eu une question : « et si ce qui me plaisait chez Ann Scott, c’était qu’elle soit aussi en phase avec l’air du temps ? » Parce que ce qu’elle décrit dans « Les Insolents », c’est l’avant-garde d’un mouvement sociologique que le Covid a rendu manifeste : les gens qui quittent Paris.

Ce constat a engendré deux sous-questions. La première : « est-ce que ce qui me plaît chez elle, c’est qu’on vieillisse ensemble ? ». Car avec son nouveau livre, elle remplit la même fonction qu’avec ses premiers : poser les questions que je me pose − ou en tout cas qu’on se pose dans mon milieu −, mais en les radicalisant parce que nous n’avons, malgré tout, pas du tout la même vie. Au fond, elle me sert à promener sur la vie de mon milieu, au fil des époques, un miroir déformant, un miroir qui grossit certains détails, un miroir créé par la littérature (attention, une citation remâchée de Diderot se cache dans cette phrase).

La seconde sous-question : « est-ce qu’être en phase avec l’air du temps, ça fait bon écrivain ? » L’avantage de ne pas être critique littéraire, c’est qu’on n’est pas obligé de fournir de réponse à ce genre d’interrogation.

Xavier de La Porte

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