« Tu entres dans le temple… ». C’est ainsi qu’un camarade liseur a accueilli ma décision plus que tardive de commencer à lire les romans durs de Georges Simenon. Par « dur », il faut entendre par opposition à sa série de romans policiers hantés par Maigret et la fumée de sa pipe. Le temps de trouver la remarque initiale de mon acolyte exagérément pompeuse, je réalisai qu’il avait évidemment raison tant par la qualité ineffable des ouvrages en question – où peut-on lire par centaine des phrases telles que « Comme toujours à pareille heure, les vieux étaient là, à encadrer le pont de leurs silhouettes bleues rapiécées de bleu plus sombre », « Ce soir-là, pourtant, tout paraissait en place, et d’autant plus qu’il pleuvait, ce qui augmentait la stagnation des choses », « Personne ne se doutait que cette heure-là, avec le rouge qui avait déjà gagné la moitié du ciel, le bleu qui tournait au vert, les reflets qui devenaient de plus en plus larges sur l’eau de la baie, avec les sons qui éclataient soudain et se mourraient encore plus vite, surpris de leur incongruité, personne ne se doutait que cette heure quelconque qui paraissait être à tout le monde, était l’heure de Petit Louis et que le reste, autour de lui, n’était que figuration » -, par leur nombre (117 répertoriés !) et par l’étonnante fraternité liant leurs adeptes. Dans cet ordre du temple non-solaire, il pleut de mille façons différentes, on pleure les morts et les vivants, on prend le bateau, on visite d’atroces colonies, on boit du vin et de la bière et l’on meurt, on souffre entre tant, on aime beaucoup, souvent mal et l’on crie parfois. Et si j’enfonce ainsi une porte déjà grande ouverte, c’est qu’à l’orée des vacances se pose la sempiternelle question de quels livres emmener en vacances, de leur poids et de la place qu’ils vont occuper dans les bagages. Les liseuses électroniques présentent une solution pratique mais la maigreur de leurs catalogues dès qu’on sort des sentiers battus et l’immatérialité des volumes posent problème aux relous dans mon genre. Dès lors, il ne reste plus que la solution des collections au format poche, ces ouvrages compilatoires qui, d’Omnibus à Bouquins en passant par la Pléiade et son fameux papier bible, sauvent les voyageurs en rassemblant les multiples œuvres d’un même auteur. De ceux-ci, on en parle habituellement assez peu – sauf ici - car ces derniers ne font qu’appareiller, assembler, réunir, avec parfois des choix maladroits, des livres déjà célébrés ailleurs, mais quel précieux service rendu aux lecteurs, notamment à ceux qui ne peuvent acheter les volumes un à un ou les porter faute de muscles dorsaux suffisamment saillants. Pour autant, il n’est pas évident de les dénicher en librairie sauf à utiliser – pour les lecteurs parisiens et de la petite couronne du moins - un autre précieux outil : le site parislibrairies.fr grâce auquel on peut entrer le nom du livre recherché et trouver chaque établissement disposant au jour dit d’un exemplaire dans ses rayons ou pouvant au besoin le commander en ligne. Nous voilà ainsi parés pour affronter l’émolliente vacance estivale avec quelques-uns des dix (!) volumes des romans durs, soit un bon bout, convenons-en, de perpétuité. Arnaud Sagnard |