Threads, la déferlante qui met Twitter sous pression | | Pendant qu'Elon Musk s'entraînait avec une légende du MMA, Georges Saint-Pierre, pour affronter Mark Zuckerberg dans un octogone de Las Vegas (un jour peut-être, comme nous vous en parlions dans notre édition du 24 juin), ce dernier vient de frapper un grand coup côté business... Un immense coup, même. Lancé à la surprise générale jeudi dernier, Threads, le « Twitter killer » de Meta est en passe de signer le meilleur démarrage de toute l'histoire pour une application. Près de 50 millions d'utilisateurs en à peine 24 h. Même Zuckerberg est bluffé : « J'ai le sentiment d'être au début de quelque chose de spécial , mais nous avons encore beaucoup de travail devant nous pour bâtir l'app. » Un succès fulgurant qui s'appuie principalement sur la communauté Instagram, mais pas seulement (il faut avoir Instagram pour s'inscrire à Threads). « La volatilité et le caractère imprévisible de Twitter sous Elon Musk ont ouvert une fenêtre pour rivaliser, avoue Adam Mosseri, patron d'Instagram, dans une interview accordée au média The Verge. C'est un pari risqué qui mérite d'être tenté. » Risqué, pas tant que ça... En insistant sur la possibilité de jumeler ses deux comptes, la firme californienne a créé un gigantesque appel d'air dans lequel se sont engouffrés les utilisateurs d'Insta en même temps que les déçus de Twitter. Un paquet de monde, donc. Maligne, Meta a même pensé à refermer la porte derrière ceux qui pensaient juste faire un petit tour et puis s'en vont : pour supprimer Threads de son smartphone, il faut d'abord effacer son compte Insta... et donc pleurer toutes les larmes de son corps ! « OK pour la compétition, pas pour la triche » Qu'importe. La performance impressionne tous les observateurs. D'autant plus lorsqu'on sait que l'application n'est pas « officiellement » déployée dans l'UE (pour l'instant). En cause : le respect du nouveau règlement européen des marchés numériques (DMA) entré en vigueur début mai, incompatible avec la volonté affichée par Threads « d'aspirer les données des utilisateurs d'Instagram, comme les informations relatives à leur santé, leur localisation, leur historique de recherche et d'autres informations sensibles », selon The Independent. Pour télécharger l'application, vous devez donc mentir et faire croire à Android ou l'App Store que vous résidez dans un pays hors zone UE. Easy ! Dès les premiers pas dans l'interface, le constat est simple : tout est quasi identique à celle du rival. Seuls le code couleur et le jargon diffèrent. Un immense copier-coller parfaitement assumé par Meta au point que, onze ans après son dernier tweet, Mark Zuckerberg est retourné sur Twitter pour poster le célèbre meme des Spider-Man qui se pointent du doigt le jour du lancement de Threads. Côté Twitter, on se marre nettement moins. « OK pour la compétition, pas pour la triche », a tweeté Elon Musk jeudi dernier, quelques heures avant que sa boîte accuse Meta d'avoir poussé d'anciens salariés de Twitter à trahir leur clause de confidentialité pour développer Threads et brandisse la menace d'une action en justice. Les CM en PLS « Si Threads est extrêmement agréable à utiliser, puisqu'il ressemble à un Twitter sans publicités et sans comptes payants qui véhiculent des idées appartenant à un même bord politique, le réseau social a encore beaucoup de lacunes. La bonne nouvelle est qu'il devrait s'améliorer dans les prochains jours », rapporte le site Numerama. Une alternative au hashtag, accompagnée d'un flux chronologique et d'une barre de recherche associée pour explorer les tendances, a d'ores et déjà été annoncée. En revanche, toujours aucune nouvelle d'une fonctionnalité permettant d'envoyer des messages privés, mais gageons que cela ne devrait pas trop tarder non plus... « Nous voulions des voitures volantes et nous avons sept clones différents de Twitter à la place », résume Jack Dorsey – cofondateur et ancien CEO de Twitter parti pour développer... Bluesky, l'un des sept clones en question, donc – avec un screenshot comparant toutes les applications rivales posté sur Twitter. Une (fausse) diversification de l'offre que David Pierce, journaliste et animateur du podcast de The Verge regrette amèrement dans un papier qui titre dans le mille : « Donc où sommes-nous tous censés aller maintenant ? » Il précise : « C'est la fin d'une époque sur le web. Ce qui est probablement une bonne chose. Mais ces endroits où j'avais le sentiment que tout le monde était là me manquent déjà... » En attendant, face à la profusion d'applications à alimenter quotidiennement, ce sont surtout les CM du monde entier qui sont en PLS depuis jeudi soir... | | | JUNGLE STORIES | Time To Sign Off, la voiture-balai de l'information Lancée en septembre 2011 par Romain Dessal, un ancien publicitaire passé chez Havas, sur un concept simple et à l'époque novateur – résumer l'information de la journée en 2mn, avec un regard et un ton décalé, pour une lecture sur mobile – la newsletter devient très vite un rendez-vous immanquable pour une élite parisienne. Dans ce 6e épisode de Story of Stories, nous décryptons le succès éditorial de Time To Sign Off, TTSO pour les intimes. | | | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | Avec son nom en forme de muscle, l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) vient de lancer un gros pavé dans la jungle du web français. Dévoilé mardi 4 juillet, son dernier rapport annuel sur l'état d'internet en France renferme des chiffres pour le moins déconcertants. Si, globalement, le trafic vers les principaux fournisseurs d'accès à internet a été multiplié par 20 entre 2012 et 2022 (+21,5% par rapport à 2021 !), sa répartition n'a pas tout à fait suivi le même chemin... « En 2022, 54% du trafic vers les clients des principaux FAI en France provient de cinq acteurs : Netflix, Google, Akamai [une société de Cloud, ndlr], Meta et Amazon. » Pire : à lui seul, Netflix concentre quasi 20% du trafic français, loin devant les dix petits pour cent trustés par Google (10,5%), Meta (8,2%) et Amazon (7%). Pourquoi c'est un pavé ? Si ce rapport en dit long sur notre tendance à nous avachir dans le canapé, il confirme surtout la toute-puissance des GAFA + Netflix. Une combinaison entre demande exponentielle des utilisateurs et position ultra dominante d'une poignée d'acteurs qui pose plusieurs questions. Par exemple, celle du financement des infrastructures réseau nécessaires : « Nos films et séries sont les moteurs de la demande pour les réseaux et services des opérateurs, et nous coopérons pour optimiser le trafic et minimiser son impact sur le réseau », acquiesce un porte-parole de Netflix dans les colonnes de Libération. Selon l'article, alors que les opérateurs télécoms plaident pour une « juste contribution » des géants du net, la Commission européenne a lancé une vaste consultation publique sur le sujet et certains de ces acteurs – comme Netflix, justement – ont déjà investi dans leur propre infrastructure de distribution pour réduire la consommation de données. | UN FORMAT À LA LOUPE | | C'est un petit pas pour YouTube, mais un grand pas pour les marques... La plateforme de partage de vidéos vient d'annoncer qu'elle testait actuellement une fonctionnalité permettant de proposer des quiz générés par IA sur son application mobile. Pensés pour évaluer et améliorer les connaissances des utilisateurs sur un sujet qu'ils affectionnent, ils apparaîtront bientôt sur la page d'accueil, comme précisé par YouTube : « Ces quiz vont tester votre compréhension d'un sujet couvert par une vidéo que vous avez vue récemment. Si vous cliquez dessus, un lien vers la vidéo en question apparaît et vous pouvez basculer facilement de l'une à l'autre pour en apprendre encore plus. » Une gamification qui cache aussi une collecte de données encore plus large, pour personnaliser davantage l'expérience en permettant à l'algorithme de cibler plus précisément les vidéos qu'il va vous proposer. Et donc, in fine, les publicités susceptibles de vous plaire. Côté créateurs, on se frotte également les mains face à la perspective de pouvoir mieux évaluer comment les abonnés perçoivent les contenus. | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | « J'aime papa et maman, mais j'vais pas rester éternellement. J'vise un appartement. Qu'est-ce que c'est galère, décidément. Parcours du combattant ! » Les paroles de D.Ace, rappeur et TikTokeur aux 365k abonnés, sentent le vécu. Et pour cause... Pour la Gen-Z, comme pour les autres avant elle, la recherche d'un premier appartement ressemble encore et toujours à un long chemin semé d'embûches. Faire la queue dans des cages d'escalier pendant des heures, gagner 17 fois le loyer, trouver 18 garants, remplir des dossiers gros comme des dictionnaires, etc. Autant de galères que cette génération ultra connectée commente quotidiennement sur TikTok, et dont l'agence Jellyfish s'est inspirée dans sa dernière campagne pour promouvoir l'offre « Jeun'Appart » de BNP Paribas. Le but ? Laisser carte blanche à D.Ace pour écrire un texte à partir des messages publiés par les utilisateurs, et à DAT-WAY (entité dédiée à la culture urbaine de l'agence Cream) pour monter un clip de 59 secondes qui intègre les tendances et les codes de la plateforme. Dévoilé cette semaine sur tous les réseaux sociaux, Vise l'appart est une franche réussite. D'autant plus lorsqu'on se souvient que l'exercice du rap dans la pub n'a toujours donné des résultats, disons... excellents. | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | On reste dans le hip-hop, mais on zappe sur Arte pour explorer un tournant majeur dans l'histoire récente de l'industrie musicale : l'auto-tune. Un phénomène qui a débarqué à la fin des années 90, début 2000, comme la BRI dans un HLM à 6 h du matin : en défonçant la porte pour tout perquisitionner. De la dance au rock, en passant par le raï et, évidemment, le rap où il a acquis ses lettres de noblesse, l'auto-tune s'est infiltré partout, au point que nos oreilles n'y prêtent même plus attention. Mais qui est-il, au juste ? Comment est né cet étrange effet et qu'est-ce qui le différencie de ses cousins maléfiques que sont le vocoder et la talkbox ? Simon Clair, rédacteur en chef de feu Trax Magazine, et le réalisateur Corentin Coëplet mènent l'enquête dans Auto-tune : de Cher à PNL, le Photoshop de la voix. Une websérie documentaire en six épisodes de huit à dix minutes disponible gratuitement sur arte.tv, où l'on peut croiser des artistes pionniers du game en France comme Teki Latex ou Matt Houston. Mais aussi des disciples comme Médine, Youssoupha, Soprano, ou Jacques et sa tonsure monacale sur le sommet du crâne, qui, eux, ont toujours été en paix avec cet outil longtemps décrié. Car, comme l'assume le rappeur Uzi dans le trailer : « Faut pas avoir honte, hein. C'est comme si je te dis, là tout de suite : "prends une voiture sans direction assistée !" L'auto, ça a tout changé... » |
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