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Vendredi 12 avril 2024

Mais enfin, cela va de soi. On le sait bien, c’est la nature qui veut ça. Les hommes sont plus forts que les femmes. Naturellement compétitifs, agressifs, ils sont davantage motivés par la sexualité et ont le goût du commandement. Les femelles sont le sexe « faible », elles préfèrent la chasteté et les soins du foyer à l’adrénaline de la chasse et au danger… Grâce à la biologiste Lucy Cook nous savons désormais que rien de tout cela n’est vrai. Ces clichés projetés sur les femelles tout comme sur les femmes ne correspondent en rien à un déterminisme biologique ou à un quelconque héritage de l’évolution. Ils ne découlent pas de lois naturelles, reflétant ce qui se passe dans le monde animal mais des préjugés sexistes des chercheurs qui, depuis les débuts de la science moderne, orientent et biaisent notre regard. Et aujourd’hui encore, le milieu de la recherche demeure l’un des plus machos qui soient.

Elève du célèbre Richard Dawkins, est l’auteure de documentaires et d’essais au cordeau, dont l’humour n’enlève rien à la rigueur scientifique, elle vient de signer « Bitch », traduisez chienne ou garce, le mot a ce double sens en anglais. Un essai aussi savoureux qu’instructif, véritable bâton d’explosif jeté dans la mare. Celle de ce sexisme le plus cimenté qui donne à nos credo sur le genre l’apparence de faits « naturels ». On y découvre comment une poignée d’études truffées d’erreurs mais qui demeurent avec une incroyable persistance, légitiment un regard biaisé sur le genre, la sexualité. Lucy Cook nous fait découvrir les mœurs gender fluides et féministes de bien des espèces. Car dans le monde animal, n’y a pas que les femelles bonobos, les abeilles ou les veuves noires qui fassent la loi. Loin s’en faut.

Prenez les hyènes. Nous leur avons fait une réputation de charognards hideux, au rire féroce et minable à la fois. Cette espèce très intelligente, taillée pour la chasse forme en réalité des sociétés sophistiquées, dominées par les femelles et où les mâles n’en mènent pas large. Chez les orques, ce sont les matriarches qui mènent la barque, décident des campagnes de chasse, transmettent la culture et c’est souvent avec elles que les jeunes mâles ont leurs premières expériences sexuelles. Chez la plupart des espèces, notamment les primates, ce sont elles, encore, qui inventent des outils et en enseignent l’usage. Non, les femelles ne sont pas de faibles créatures, vouées à subir la domination et même pire, et elles goûtent tout à fait les jeux érotiques avec de multiples partenaires, y compris entre-elles. Car la sexualité à bien d’autres buts que la procréation, n’en déplaise au très prude et phallocrate Darwin, convaincu que de la supériorité masculine et qui, malgré son génie et son regard humaniste en bien des domaines, fut l’un de ceux qui ont contribué à diffuser la fable du « sexe faible ».

Ainsi, en matière de procréation, leur ventre leur appartient, contrairement là aussi à ce qu’ont crû bien des scientifiques, convaincus que le mâle le plus fort, le plus agressif remportait la bataille. Mais, même dans les espèces où les mâles sont dominants et s’affrontent, les femelles ont mille tours dans leur sac pour choisir celui avec qui elles souhaitent se reproduire. Elles peuvent copuler en catimini avec qui leur plaît, mais aussi, dans le secret de leur appareil génital bloquer ou éjecter la semence non désirée. Elles ont toujours le dernier mot.

Et contrairement à un récit multimillénaire, ce n’est pas Eve qui est sortie de la côte d’Adam, mais l’inverse nous apprend Lucy Cook. Le féminin a précédé le masculin dans l’histoire de la vie. Tous les animaux sont programmés « par défaut » pour devenir des femelles, et ce n’est pas un hasard. Celles-ci ont représenté pendant plusieurs millions d’années le seul sexe sur terre. Les œufs, les œstrogènes sont apparus bien avant les spermatozoïdes et la reproduction sexuée avec des mâles. Libres, malignes et puissantes, c’est le sort de bien des femelles. Il serait temps que cela se sache.

Véronique Radier

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