Retour sur la TwitchCon 2023 : le festival de Twitch | | « Twitch loves Paris !!! » Imprimé en gros sur des bérets violets qui se vendent comme des petits pains, c'était clairement le slogan du week-end dernier à la porte de Versailles. Après Berlin en 2019 et Amsterdam l'année dernière, Paris est donc devenue la troisième ville européenne à accueillir la convention annuelle du géant californien. Tout sauf un hasard, lorsqu'on sait que le public français a dévoré plus d'un milliard d'heures de stream sur la plateforme en 2022. Une communauté particulièrement active que le PDG de Twitch, Dan Clancy en personne, a qualifiée de « passionnée » après moult remerciements formulés sur scène lors de la cérémonie d'ouverture et non sans avoir rappelé les nombreux faits d'armes tricolores, comme le Z Event de ZeratoR ou l'Arc de Triomphe et le portrait de Zidane réalisés lors de la Pixel War. Bleu, blanc, Twitch ! « Ça existe aussi à l'étranger. Mais il n'y a pas cette grande régularité, ce degré d'exécution avec des événements d'une telle ampleur, très professionnels dans leur organisation. Ce n'est pas unique à la France, mais c'est sans commune mesure dans les autres pays », pose Rachel Delphin, directrice marketing monde en charge de l'organisation de ce grand barnum dans les colonnes de Tech&Co. Si l'on ferme les yeux sur le record du monde établi le 1er juillet dernier par le streamer espagnol Ibai Llanos, avec 3,4 millions de viewers simultanés devant son gala de boxe entre streamers organisé dans le stade de l'Atlético de Madrid qui affichait quasi complet pour l'occasion (plus de 60 000 places vendues), on peut effectivement affirmer que, ces dernières années, le Twitch français – ou « la twitcherie », comme on l'entend parfois – a plié le game à tous les niveaux. Comme nous vous en faisions état dans une précédente édition de notre newsletter, avec des évènements comme le GP Explorer de Squeezie ou le match de foot baptisé « Eleven All Stars » d'AmineMaTué – plus d'un million de spectateurs chacun – et des émissions comme Zen ou Backseat qui ont su fidéliser leur audience, la France est un marché en pleine forme que la plateforme caresse dans le sens du poil. Et qui le lui rend bien... Près de 10 000 visiteurs ont arpenté les allées du Hall 7 les 8 et 9 juillet derniers, après avoir pourtant été délestés de 75 euros pour un pass à la journée et 125 euros pour l'intégralité du week-end. Des prix exorbitants quand, à titre comparatif, un ticket pour la prochaine Paris Games Week ne coûte que 20 euros. Entre réseautage et colonie de vacances « Nous proposons des animations et des échanges aux membres de la communauté qui, en même temps, ont de fortes interactions entre eux. C'est hybride et très différent de ce que l'on voit dans les autres conférences de jeu vidéo », justifie Mike Minton, responsable de la monétisation, dans les colonnes du Monde. Et quand on aime, on ne compte pas. Passée la porte, bienvenue dans un monde où les gens se filment en marchant – à moins qu'ils ne marchent en filmant, on ne sait plus trop – et où la perche à selfies a encore le vent en poupe. Une, deux, trois caméras, sur l'épaule, le front, le torse, qui rappellent qu'en allant dormir chez nous dès 2004, Antoine de Maximy est en fait le Vercingétorix du stream franchouillard ! Pour les non-initiés, l'effet de surprise est saisissant. Mais, quelque part, le public de cette TwitchCon est fidèle à l'écosystème des utilisateurs de l'appli : du REC, du fun, de la bonne humeur, des costumes, beaucoup de costumes même, et des petits streamers qui déambulent au milieu des gros poissons pour se faire voir et serrer des nageoires. En 2022, selon le site SullyGnome.com qui collecte les données d'utilisation de Twitch, près de 90% des chaînes étaient regardées en moyenne par un maximum de cinq personnes, rappelle le journal Le Monde. « Beaucoup de gens ont des petites chaînes et ne streament qu'occasionnellement. Mais ils regardent et participent aussi au tchat de beaucoup d'autres personnes... Notre relation avec ces petits streamers est très importante, car ils sont au cœur de l'expérience Twitch », assure Dan Clancy dont, comme tout le monde ici, seul le pseudonyme de son compte – DJClancy – est imprimé sur son badge jaune fluo. Énième subtil stratagème pour montrer que la plateforme loge tout le monde à la même enseigne. « C'est devenu impossible de vivre de Twitch » Entre les stands d'exposants, ceux des marques sponsors, les conférences, les séances de dédicaces, les démonstrations de gaming et les « creators camps » – ces micro-séminaires où des cadres de l'entreprise distillent de précieux conseils sur des thématiques allant de « créer son média kit » à « travailler avec les marques » –, l'organisation est parvenue à placer quelques annonces grandement attendues par les créateurs. Au premier rang desquelles : l'argent, le nerf de la guerre. Si la plateforme traite tout le monde pareil, la différence de revenus entre les streamers prend, elle, des allures de Grand Canyon. Au point que la monétisation des contenus soit devenue un point de crispation récurrent depuis le 21 septembre dernier et l'annonce dans un simple billet de blog que la plateforme prélevait désormais la moitié des revenus nets générés par les abonnements aux chaînes. « Pour l'équivalent de 100 abonnements, je gagne maintenant 150 à 200 euros ; il y a quatre ans, j'obtenais le double, situe KCNecro dans cet article du Figaro. C'est devenu impossible de vivre de Twitch, la plateforme est désormais beaucoup trop concurrentielle pour obtenir un salaire décent. » Pour calmer les esprits et faire retomber la température, la firme a donc annoncé que les streamers allaient bientôt avoir la possibilité de contrôler le moment où ils diffusent une publicité sur leur chaîne. Un moyen déguisé pour les inciter à préférer ce mode de rémunération, jusqu'alors décrié parce que les pubs pouvaient interrompre le live à tout moment. Autre innovation intéressante d'une longue série que vous pouvez consulter sur le blog de Twitch : le lancement d'un format Stories sur la plateforme (que nous vous présenterons prochainement) et surtout l'avènement du « Discovery Feed » pour l'automne. Un fil qui compile de courtes vidéos issues des directs (les clips), pensé pour répondre à la menace TikTok et, comme le rappelle Le Figaro, « une façon pour Twitch de réaffirmer sa volonté de répondre à la concurrence, quelle qu'elle soit ». | | | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | « Nous voulons offrir de nouvelles manières de voir les choses, de résoudre des problèmes, ou encore d'amplifier son imagination. Un peu comme si vous parliez à un collaborateur créatif. » Voilà comment Jack Krawczyk, directeur produit en charge de Bard, le chatbot de Google lancé jeudi dernier dans l'Hexagone, présente son dernier bébé au journal Le Point. Pendant qu'Elon Musk s'apprête à lancer xAI, sa propre boîte d'IA censée nous aider à « comprendre la vraie nature de l'univers », Krawczyk voit Bard « comme un mégaphone pour notre cerveau ». En d'autres termes : pour Google, Bard sait tout faire comme ChatGPT. Et bien plus encore... Pourquoi c'est un pavé ? Cinq mois après son annonce et deux mois après son lancement aux USA, Bard débarque donc en France. Un retard qui s'explique justement par le fait que le chatbot s'appuie sur tout l'écosystème des applis Google ; notamment Gmail, dans lequel il peut puiser à volonté pour entraîner son modèle. Consciente des risques et refroidie par les 8 milliards d'euros déjà ponctionnés par Bruxelles dans ses caisses, Alphabet avait préféré jouer la montre pour être certaine de se conformer aux différentes exigences et contraintes légales imposées par l'UE en matière de sécurité et de confidentialité des données. D'autant plus que la maison mère de Google joue gros sur le terrain de l'IA, comme le rappelle l'article du Point : « Pour Google, l'arrivée de ChatGPT, mis à disposition gratuitement auprès du grand public le 30 novembre 2022, est apparue comme un "moment Spoutnik", c'est-à-dire une prise de conscience comparable à celle des Américains qui ont découvert en 1957 que les Soviétiques avaient pris l'avantage dans la conquête spatiale. Non seulement la technologie sur laquelle repose une grande partie des modèles de langage avait déjà été développée en interne par le géant californien et cela dès 2017, mais le succès de ChatGPT menace directement le cœur de métier de Google, fondé sur la recherche et qui lui a rapporté tant de dollars. » Objectif Lune, donc. Sauf qu'en France, dans une autre BD particulièrement appréciée de nous autres irréductibles Gaulois, le barde est celui qui finit toujours bâillonné et ligoté à l'écart du banquet... | UN FORMAT À LA LOUPE | | C'était l'une des actus médias de la semaine : Hugo Travers, le fondateur d'HugoDécrypte qui pèse plus d'un million de followers sur les réseaux sociaux, lançait une newsletter quotidienne sur Kessel... Kessel ? Joseph Kessel ? « Heureusement pour nous, Joseph Kessel et son légataire n'ont pas eu d'enfants ! », plaisante Adrien Labastire, ancien boss de Golden Moustache et cofondateur de cette plateforme de mise en relation entre auteurs et lecteurs, au nom inspiré par la philosophie de cet écrivain-reporter français qui puisait ses histoires dans la simplicité de la vie. Et qui aurait très certainement produit de merveilleuses newsletters... Mais résumer Kessel au simple alter ego français de Substack ou Memberful serait un raccourci un peu honteux. Au pays des Lumières, l'ambition de ce nouveau média lancé en 2021 est de « redonner le pouvoir à l'écrit », sous toutes ses formes. Ici, les auteurs, qu'ils soient journalistes, romanciers, créateurs de contenus, illustrateurs, photographes, professionnels ou amateurs, deviennent tous des storytellers au gré des inspirations. « Kessel s'adresse à ceux qui cherchent une place, quelque part entre les médias traditionnels, les maisons d'édition et les réseaux sociaux. Une place à eux. Une place pour être eux. Totalement. Librement. Joyeusement. », peut-on lire sur leur site. Les contributeurs publient leur contenu sans rythme ni ligne éditoriale imposés, et peuvent choisir de le monétiser (ou non) via la mise en place d'un abonnement premium qui octroie aux lecteurs des avantages supplémentaires. Comme des exclus et des invitations à des master class ou des évènements organisés par la plateforme. Une recette qui attire de plus en plus de grands noms. Hugo Clément et Laurent Joffrin ont récemment rejoint l'aventure aux côtés de Rose Lamy (Préparez-vous pour la bagarre, suivie par 221k followers sur Instagram), ou Lauren Boudard et Dan Geiselhart (cofondateurs de Tech Trash), pour ne citer qu'eux. Le groupe comporte aussi une structure d'aide à la création - Kessel Studio -, vient de créer sa propre régie publicitaire - Kessel Régie - et ambitionne de collaborer avec environ 400 auteurs réguliers pour une audience cumulée de 500 000 abonnés d'ici fin 2023. Et puis bon, d'une NL à une autre, une boîte qui publie chaque mois « une sélection des newsletters hyper bien à découvrir sur Kessel », dans une newsletter intitulée Hypertextes et signée par Adèle NL, mérite forcément qu'on s'y intéresse... | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | Cette année, suite à la multiplication des incendies criminels qui ont émaillé l'actualité récente, les festivités du 14 juillet ont été annulées dans bon nombre de communes. Alors, pour se consoler et se convaincre que c'est peut-être un mal pour un bien, voici « The risks posed by July Fourth fireworks ». Une chouette infographie publiée par l'équipe de Reuters Graphics sur les risques liés aux feux d'artifice qui célèbrent l'anniversaire de la déclaration d'indépendance des États-Unis (le 4 juillet 1776). Des risques évidents d'incendie et de pollution pour la faune et la flore locales. Mais aussi pour nos poumons et notre cerveau puisque, après explosion, les fusées relâchent de fines particules contenant du monoxyde de carbone, du dioxyde de soufre et du monoxyde d'azote. Trois substances qui, inhalées ou ingérées, peuvent augmenter les risques de crise cardiaque, de tumeur au cerveau ou de cancer des poumons. « Yikes! », comme on dit là-bas. | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | 17 h 30, un vendredi d'été travaillé. Le mercure frôle les 40 degrés, votre boîte n'a toujours pas la clim (par conviction ou avarice du patron, vous ne savez plus trop) et ce ventilateur installé dans l'open space a visiblement été pensé pour aérer un cabanon... Vous ouvrez votre navigateur, tapez « trop chaud pour travailler » dans la barre de recherche et, juste après la pub Pulco qui a bercé votre adolescence, vous tombez sur un docu de 93 minutes qui vous permet de rendre cette dernière ligne droite au bureau moins douloureuse. Réalisé par Mikaël Lefrançois et disponible sur arte.tv ainsi que sur la chaîne Youtube d'Arte, Trop chaud pour travailler explore les conséquences de l'augmentation des températures sur le travail. Entre catastrophe sanitaire, mise à mal de l'économie, creusement des inégalités et effets irréversibles sur la santé, le film avance que la chaleur fait perdre plus de 2 000 milliards de dollars à l'économie mondiale chaque année, et pointe la nécessité de repenser les modes de production comme les législations encadrant l'activité professionnelle par fortes chaleurs. Autant d'arguments qui pèseront lourd la prochaine fois que vous négocierez votre vendredi avec les RH... |
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