Quand les journalistes investissent YouTube et vice versa… | | Dans le coin gauche, des journalistes comme Élise Lucet ou Claire Chazal qui se lancent sur YouTube. Dans le coin droit, des youtubeurs comme HugoDécrypte ou Gaspard G qui embauchent des journalistes pour bosser sur leurs contenus. Et au milieu, un combat de boxe qui ressemble de plus en plus à une valse délicate entre les deux camps... « Le ton, ça va ? Ça ne fait pas trop JT ? », demande-t-elle. « C'est très JT, mais c'est toi. Sois toi-même, rétorque-t-il. Je suis très fan de ton taf depuis des années et je trouve ça génial que tu viennes sur YouTube. ». Lui, c'est Squeezie, youtubeur le plus célèbre de l'hexagone digital. Et elle, c'est Élise Lucet, journaliste d'investigation aux commandes des émissions « Cash Investigation » et « Envoyé Spécial » sur France Télévisions. Deux salles, deux ambiances, qui se sont apprivoisées dimanche dernier pour la première de « Dérush », le nouveau show d'Élise Lucet diffusé exclusivement sur YouTube. Le concept est simple simple : la journaliste reçoit un invité et le fait réagir à des images d'archives de ses émissions télé. Le tout ponctué d'anecdotes croustillantes déterrées par ses équipes. Ici, en l'occurrence, il était d'abord question de jeux vidéo à travers des séquences d'« Envoyé Spécial » diffusées entre 1991 et 2001 qui faisaient état d'un « virus venu d'Asie » occasionnant « des ravages chez les jeunes ». Bingo ! Squeezie se marre autant qu'il hallucine à la vue de ces images qui ont particulièrement mal vieilli, et la rencontre se mue peu à peu en interview, confortablement installés dans le canapé en cuir fauve de tata Élise qui, derrière ses airs de fausse boomeuse, utilise avec malice les codes et expressions de la plateforme. Au point que Squeezie se livre pour la première fois sur la polémique engendrée par son post Instagram contre le Rassemblement National lors des élections législatives... Re-bingo ! Cap sur l'infotainment 2.0 !
« J''ai envie d'aller sur ces formats et je trouve ça bien de mixer les gens de la "télévision couleur" et des gens d'Internet. Il faut abattre les frontières : il est temps », décrypte-t-elle dans une vidéo publiée par le média Brut, partenaire de ce premier projet « qui a mis autour de la table producteurs, journalistes, monteurs et réalisateurs », comme l'explique cet article des Échos. Résultat : plus d'un million de vues et près de 70 000 likes en cinq jours. Des chiffres qui valident cette tirade prononcée face à Squeezie dans « Dérush » : « Il faut des ponts. Si, sous prétexte qu'on ne s'exprime pas sur les mêmes canaux, des jeunes ne viennent pas voir "Envoyé spécial" et il y a des vieux qui ne viennent pas te voir, toi... Stop, quoi ! Il faut casser ces barrières-là ! ». Et ces barrières, Élise Lucet les casse depuis un certain temps... De sa chaîne TikTok créée par France TV, au podcast de Léna Situations, en passant par des apparitions dans des vidéos de McFly & et Carlito ou... Squeezie, en mai dernier, elle assure avec dévouement la promotion de ses émissions télé auprès d'un public plus jeune et qui, surtout, s'informe de plus en plus auprès de pontes de l'info-YouTube comme HugoDécrypte, Gaspard G, ou Jean Massiet. D'après le dernier baromètre publié par le journal La Croix et le groupe Kantar sur la confiance des Français dans les médias, ce sont même 24% des 18-34 ans qui ne s'informent quasi exclusivement que par le biais d'influenceurs...
Échange de bons procédés
Si d'autres journalistes comme Samuel Étienne, pionnier du game sur Twitch, ou, plus récemment, Claire Chazal et son concept YouTube sobrement intitulé « Chez Claire » (produit par Gaspard G, au passage), ont investi le filon, l'inverse est valable aussi. Dans le sens où, pour enrichir leurs émissions, approfondir leurs sujets et éviter de dire trop de bêtises, les créateurs de contenu s'entourent de journalistes pour assurer la programmation ou la recherche documentaire de leurs shows. « Nous, on a besoin de débouchés économiques. Eux, sont en demande de gens rigoureux et fiables fiables », constate Vincent Bresson, journaliste pour Le Pèlerin et collaborateur occasionnel du youtubeur bordelais Simon Puech, dans cette excellente enquête d'Alexandra Klinnik du MediaLab de l'Information de France Télévisions. Avec la digitalisation des médias et l'importance cruciale du format vidéo, les frontières entre journalistes et info-influenceurs (infoenceurs ?) sont de plus en plus floues et scrutées avec intérêt par les médias traditionnels. « Nous portons une attention particulière à la maîtrise des nouveaux formats et à la capacité à connecter avec l'audience pour transmettre un message », confirme Alexis Delcambre, directeur adjoint du Monde chargé de la transformation numérique. Deux univers, longtemps opposés, qui finissent par se compléter pour mieux se réinventer ? Oui, répond en creux Julien Potié, bras droit d'HugoDécrypte et chargé du cours « Nouveaux médias et créateurs » à Sciences Po Paris, toujours dans l'article publié sur Méta-Media : « On ne souhaite pas présenter le monde des créateurs comme révolutionnaire, et tirer un trait sur ce qui s'est passé avant. Si nous avons rejoint cet univers, c'est parce que nous sommes des passionnés des médias. » Les deux n'ont pas le choix. D'un côté, une grande partie de l'avenir du journalisme passe déjà par l'intégration des compétences liées aux réseaux sociaux et aux nouveaux formats numériques. Et de l'autre, les créateurs de contenus ont besoin de ce savoir-faire journalistique pour renforcer leur crédibilité, explorer de nouveaux terrains d'expression et produire toujours plus de vidéos. Un mariage de raison, en somme. | | | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | « Nous assistons à un effondrement de la créativité dans le jeu vidéo, qui est due dû à l'envolée des coûts de production. » La sortie est signée Shawn Layden, ex-président des studios de production de Sony PlayStation, et reflète bien l'ambiance morose ressentie dans les allées de la Paris Games Week qui a fermé ses portes le 27 octobre dernier. « Malgré la sortie en cette fin d'année de grands pourvoyeurs de ventes comme Call of Duty, EA Sports FC 25 ou les derniers jeux Zelda et Mario de Nintendo, le marché va accuser un recul, dévoile au Figaro James Rebours, président du Syndicat des éditeurs des logiciels de loisirs (Sell), l'organisateur de la Paris Games Week. L'offre a été beaucoup moins riche qu'en 2023. Et jusqu'à la sortie du jeu de football FC 25 fin septembre, aucun titre commercialisé depuis janvier n'avait franchi la barre des 200 000 ventes en France. » Des échecs qui se multiplient et accentuent la crise que traverse depuis plus d'un an l'industrie du jeu vidéo avec, à la clé, plus de 13 000 licenciements cette année et de grandes difficultés de financement pour les studios de création. Pourquoi c'est un pavé ?
Avec des jeux en monde ouvert comme Fortnite, Minecraft ou Roblox, l'industrie du jeu vidéo avait séduit de nombreuses marques, qui n'hésitaient pas à injecter des sommes folles pour apparaître dans ces univers parallèles où les joueurs s'adonnent à de longues flâneries virtuelles. À son apogée il y a une paire d'années, l'In-game advertising pesait même plus de sept milliards de dollars. Et de nombreux professionnels du secteur s'attendent à voir ces chiffres fondre comme neige au soleil dans les prochains mois. Ce qui explique pourquoi, cette année, en marge de la Paris Games Week, une Paris Game Biz a été organisée à la Rotonde Stalingrad par le groupement Capital Games, où une cinquantaine de studios français ont rencontré des éditeurs internationaux, des fonds d'investissement spécialisés, mais aussi des représentants de grandes marques. « L'idée est d'être efficace et de ne faire perdre de temps à personne en montrant les projets qui correspondent le plus aux attentes de chaque financeur, insiste Cyrille Imbert, président de Capital Games, dans l'article du Figaro. Cette crise est temporaire, elle risque de durer encore un an ou deux. Nous espérons apporter une solution à l'écosystème. Il ne faut pas baisser les bras ! » | UN FORMAT À LA LOUPE | | OpenAI, la maison mère du célèbre chatbot ChatGPT, vient de lancer son propre moteur de recherche intégré. Baptisé SearchGPT, ce nouvel outil se positionne à la croisée des chemins entre un moteur de recherche traditionnel et un chatbot basé sur l'intelligence artificielle générative, pour « aller directement à la source » et offrir aux utilisateurs « le meilleur des deux mondes », dixit son créateur. Il est intégré directement au sein de ChatGPT et est, pour l'instant, réservé aux abonnés payants (Plus et Team) ainsi qu'aux utilisateurs inscrits sur la liste d'attente à SearchGPT (oui, ça existe !). Une nouveauté qui propose une alternative aux recherches classiques en ligne en permettant à l'IA de sélectionner elle-même les requêtes qui nécessitent une recherche sur le Web, ou d'offrir la possibilité de lancer manuellement une recherche d'un simple clic. À l'instar de Perplexity AI, SearchGPT organise l'information en plusieurs volets, enrichissant les réponses avec des sources, des images, des cartes ou des graphiques. À droite de l'écran, un volet rappelle même le design de Google en listant les liens vers les sources de manière claire et accessible. OpenAI propose également une extension Chrome permettant de définir SearchGPT comme moteur de recherche par défaut. Deux jolis pieds de nez au géant de Mountain View. Et une manière habile de mieux valoriser les éditeurs de contenus, comme les médias, avec qui OpenAI cherche à nouer toujours plus de liens pour éviter les procès comme celui qui l'oppose actuellement au New York Times. Louis Dreyfus, PDG et éditeur du journal Le Monde, qui a choisi le partenariat plutôt que le combat, abonde : « Nous sommes convaincus que la recherche par IA sera, dans un avenir proche, un moyen privilégié d'accès à l'information. Notre partenariat avec OpenAI nous permet de tester les innovations tout en préservant les valeurs fondamentales et l'intégrité du journalisme. » Un mal nécessaire, donc. D'autant que, aux dernières nouvelles, Meta serait, elle- aussi, en train de développer son propre moteur de recherche dopé à l'IA... | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | Ceux qui aiment aller en concert ou en festival ont un ennemi commun : le smartphone porté à bout de bras pour tenter d'immortaliser le spectacle et qui vous obstrue une vue déjà bien encombrée. Une véritable plaie, surtout lorsque l'on mesure moins de 1 m 80... Mais n'ayez crainte ! La marque Heineken, partenaire de soif de la musique live, pense à vous ! Le concept de cette campagne intitulée « The hidden message » est simple, mais diablement efficace : pour inviter les festivaliers à rester dans l'instant présent et profiter pleinement du concert en rangeant leur précieux mobile dans leur poche, le brasseur batave à l'étoile rouge s'est appuyé sur une technologie infrarouge pour disposer des panneaux invisibles à l'œil nu mais lisibles grâce à la caméra du téléphone, lors d'évènements comme le Silver Live Out Festival au Mexique et l'Amsterdam Dance Event aux Pays-Bas. Avec des messages bien pensés du style : « Gardez cet instant dans vos mémoires, pas dans votre smartphone », qui viennent s'afficher sur l'écran. En parallèle de cette opé qui plaira déjà aux artistes, Heineken propose également une application baptisée « Boring Mode » qui bloque temporairement toutes les notifications et autres applications parasites, appareil photo inclus. Un pari osé, mais potentiellement gagnant, dans une époque où la saturation numérique est devenue un débat de société et où les gens ont tendance à oublier que le mode avion n'est pas fait uniquement pour prendre l'avion... | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | Adaptée d'un roman coécrit par Édouard Philippe, Dans l'ombre, la nouvelle série diffusée depuis le 30 octobre sur France 2, raconte les coulisses de la vie politique à travers le parcours de Paul Francœur (interprété par Melvil Poupaud), candidat du parti conservateur qui vient de remporter la primaire de son camp et s'attaque désormais à l'élection présidentielle, et de César Casalonga (interprété par Swann Arlaud), son conseiller de l'ombre. Une série où les résonances entre Paul Francœur et Édouard Philippe – qui a travaillé sur le scénario avec le pool d'auteurs – sautent aux yeux. Mais Gilles Boyer, co-auteur du roman et, accessoirement, ex-conseiller à Matignon de l'ancien Premier Ministre et actuel maire du Havre qui s'est déclaré candidat à la prochaine présidentielle, l'assure au micro de franceinfo : « Nous revendiquons comme tous les auteurs et les scénaristes le droit à la fiction. Le personnage du candidat et Édouard Philippe sont très différents. (...) Lorsque nous avons écrit le roman en 2011, on avait dit : "Rien n'est vrai mais tout n'est pas faux." Nous n'avons pas décrit des personnages réels, ce n'est pas le cas. (...) Nous essayons de décrire le fonctionnement d'un candidat à la présidentielle, nous avons plutôt écrit des archétypes de personnalités politiques et de proches collaborateurs des candidats pour essayer de décortiquer le fonctionnement dans les coulisses. ». Toute ressemblance entre la fiction et la réalité serait donc purement fortuite ? Voire... On vous laisse juges. |
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