Peut-on se passer de compléments de vitamines et minéraux ?

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Dans un monde idéal, l’alimentation devrait suffire à couvrir les besoins en vitamines et minéraux.

Mais le monde est loin d’être idéal, comme nous le rappelle une grande enquête alimentaire américaine publiée en février 2024 : une part importante de la population ne reçoit pas les quantités de micronutriments qui mettent à l’abri des maladies chroniques...

Les résultats de ce travail sont basés sur 15 ans de données de l’étude NHANES. Ils confirment que les adultes ne consomment pas suffisamment de vitamines A, C, D, E et K, de choline, de magnésium, de calcium, de potassium.

En revanche, ils surconsomment du sodium...

Surtout, cette étude montre que les compléments alimentaires aident de nombreux adultes à couvrir leurs besoins en nutriments. Mais même lorsqu’on consomme des compléments alimentaires on n’est pas toujours à l’abri de déficits nutritionnels.

D’une manière générale, les apports dans la plupart des nutriments sont insuffisants, même lorsque la contribution des compléments alimentaires est prise en compte. En 2017-2018, tant chez les hommes que chez les femmes, 40 % ou plus de l’apport total de 7 des 11 vitamines examinées dans cette étude provenaient des compléments alimentaires.

Cependant, pour la plupart des minéraux, la consommation de compléments n’a entraîné qu’une augmentation marginale de l’apport. Ceci est dû au fait qu’on ne peut pas inclure de grandes quantités de minéraux comme le magnésium, le calcium, le potassium dans des compléments nutritionnels.

Les autorités sanitaires de tous les pays soulignent que les besoins nutritionnels devraient être couverts principalement par les aliments. Mais dans la vraie vie, cela reste un vœu pieux.

Par exemple, les études conduites en France et en Europe depuis des décennies indiquent que l’alimentation seule ne parvient pas à satisfaire aux besoins en de nombreuses vitamines et de nombreux minéraux.

Pour se mettre à l’abri des déficits, qui peuvent avoir des conséquences sérieuses à long terme, il faudrait déjà optimiser son alimentation. Mais serait-ce suffisant ?

Les auteurs de cette nouvelle étude ne le croient pas, et considèrent que le recours aux compléments alimentaires devient nécessaire.

En effet, la densité de l’alimentation en vitamines et minéraux dépend de multiples facteurs à commencer par la quantité de calories ingérées. Or celles-ci ont tendance à diminuer dans les assiettes parce qu’on dépense moins d’énergie qu’il y a un siècle, du fait de la mécanisation, des transports, du chauffage, etc… 

À ce phénomène s’ajoutent les effets des pratiques agricoles et du lessivage des sols, du raffinage et de la transformation des aliments (chauffage, extrusion, etc.).

Certains nutriments essentiels comme le potassium sont en voie de disparition dans nos assiettes. D’autres comme la vitamine C sont en nette baisse.

Chez les hommes, l’apport en potassium provenant de l’alimentation a diminué de manière significative au cours de la période étudiée.

Le potassium est un nutriment d’une extrême importance puisqu’il intervient dans la régulation de la pression artérielle, de l’influx nerveux, de l’équilibre acido-basique, de la sécrétion d’insuline.

« Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs consommaient environ quatre fois plus de potassium que nous », dit le Pr Anthony Sebastian de l’université de Californie à San Francisco, qui a reconstitué les apports alimentaires de 159 groupes du paléolithique supérieur.

Nos ancêtres, explique-t-il, mangeaient une grande quantité d’aliments végétaux riches en potassium comme les feuilles, les fleurs, les fruits, les légumes, les racines et les tubercules. Mais ces aliments ont été remplacés au néolithique, et plus encore à l’époque moderne, par des aliments riches en énergie et pauvres en nutriments en particulier les céréales.

La nouvelle étude américaine rapporte que si les concentrations moyennes de potassium dans le lait ont peu évolué entre 1999 et 2015, celles du bœuf, du porc, de la dinde et de la plupart des fruits et légumes ont diminué. Les auteurs relèvent que la plupart des multivitamines apportent peu de potassium. Il faudrait donc se tourner vers des compléments spécifiques.

Cette étude confirme aussi des recherches antérieures faisant état d’une diminution de l’apport en vitamine C entre 1999 et 2018. Bien que les compléments alimentaires contribuent à plus de 50 % de l'apport en vitamine C, la part de cette vitamine provenant des aliments et des boissons (jus de fruits) a entraîné une baisse significative du pourcentage d’adultes répondant aux recommandations.

Un enseignement positif de l’étude, c’est que l’apport moyen en vitamine D s’est amélioré, surtout grâce aux compléments alimentaires : ils ont contribué à plus de 75 % de cet apport chez les hommes et les femmes. Malgré cette tendance positive, plus de la moitié des Américaines et près des deux tiers des Américains manquaient de vitamine D en 2017-2018. Des statistiques retrouvées en Europe.

Les poissons gras, comme la truite, le saumon, le thon et le maquereau, ainsi que les huiles de foie de poisson sont également de bonnes sources de vitamine D.

Les compléments alimentaires ont également permis une amélioration des apports en vitamine E, puisqu’ils ont fourni entre 50 % et 80 % de ces apports. Mais la consommation des huiles végétales qui apportent de la vitamine E, comme l’huile de colza, a aussi considérablement augmenté au fil du temps. Les noix, les graines, les légumes à feuilles vertes sont également de bonnes sources de vitamine E et leur consommation devrait être encouragée.

Au final, les données présentées dans cette étude confirment qu’il est difficile de couvrir ses besoins en micronutriments par l’alimentation seule.

« Pour augmenter le pourcentage d’adultes qui se procurent les doses conseillées en vitamines et minéraux, concluent les auteurs, il peut être nécessaire d’encourager la consommation de compléments alimentaires spécifiques ou de multivitamines dans les populations à risque. »

Sources :

Freedman MR, Fulgoni VL, Lieberman HR. Temporal changes in micronutrient intake among United States Adults, NHANES 2003 through 2018: A cross-sectional study. Am J Clin Nutr. 2024 May;119(5):1309-1320. doi: 10.1016/j.ajcnut.2024.02.007. 

Sebastian A, Frassetto LA, Sellmeyer DE, Morris RC Jr. The evolution-informed optimal dietary potassium intake of human beings greatly exceeds current and recommended intakes. Semin Nephrol. 2006 Nov;26(6):447-53. doi: 10.1016/j.semnephrol.2006.10.003.