Il caracole en tête des ventes, Joël Dicker. Un animal sauvage, son dernier roman, est numéro un en Suisse. Chez nos voisins français, il prend la deuxième place du podium derrière Quelqu’un d’autre de Guillaume Musso. Dans le monde merveilleux des livres, il y a ceux qui se vendent très très bien. Ceux rédigés par des auteurs et autrices connus, les primés, les feel-good, les polars, etc. Bref, des ouvrages que l’on remarque d’emblée sur les grands présentoirs placés aux entrées des librairies.
Il n’en est pas toujours ainsi. D’autres livres se découvrent par des chemins détournés, à des moments où on ne s’y attend pas. En farfouillant dans une librairie d’occasion, en écoutant une émission, une conversation « volée » dans un café ou en discutant avec votre bibliothécaire préférée. Ma pépite à moi est un livre d’enfance, raconté maintes fois par mon père, intitulé Les gnomes de Wil Huygen et Rien Poortvliet. Une « fausse encyclopédie », magnifiquement illustrée, consacrée au petit peuple. L’éloge d’une vie simple et pleine d’humour, en harmonie avec les plantes et les animaux.
Et vous, quelle est votre pépite ?
Bonnes écoutes et bonnes lectures!
TRAVESTIE
Soldate inconnue
Laurence Voïta, "La Gingolaise", ed. Favre
De la vie de Charles Guérin, il n’existe que quelques pages manuscrites en espagnol. Que sait-on de ce jeune mercenaire chablaisien de la fin du XVIIIème siècle, parti en campagne à Minorque, si ce n’est qu’à sa mort, on a découvert avec surprise qu’il était une femme ? Laurence Voïta tente de l’approcher avec délicatesse dans la double trame narrative de ce roman émouvant.
Alex Baladi, "Un monde en pleine mutation", ed. Atrabile
Au fond d’une librairie spécialisée en BD se rencontrent et retrouvent Patou, Rictus et Nour, trois adolescents joints par leur amour du dessin. Nabil, le libraire, va laisser les trois jeunes installer leur petit atelier et les encourager… Le paysage, c’est celui d’une petite ville anonyme durant l’été 1994, alors que monte, lentement mais sûrement, un mouvement plus exigeant dans le monde de la BD.
Grigori est marin sur le Gren, un voilier de commerce norvégien qui vit ses derniers voyages. Menacé de mort par un camarade pour une histoire de dette, il profite d’une escale sur l’Archipel, territoire isolé de l’Atlantique nord, pour trouver refuge à terre. Alors que la torpeur l’emporte peu à peu sur l’inquiétude, Grigori traverse des paysages peuplés de moutons et de vent, et découvre la vie des insulaires.
Nietzsche a quitté sa patrie en 1886. Il vit désormais entre Nice, Sils Maria et Turin, à la recherche d’un climat qui épargnerait ses nerfs, ses yeux, sa tête, son estomac. C’est un exilé ; il abomine l’Allemagne, sa langue, sa religion, sa cuisine. Il s’est débarrassé de Dieu et voilà qu’il veut provoquer la naissance d’un monde nouveau, inspiré par une esthétique nouvelle. Mais qu’est-ce que l’esthétique, quand on n’a que dédain pour l’architecture et la peinture ? C’est évidemment la musique. Il se déclare musicien avant tout, et c’est parce qu’il est musicien qu’il peut être philosophe. C’est donc par la musique qu’il veut dynamiter son époque et la civilisation judéo-chrétienne. Curieuse utopie que celle de ce solitaire intraitable, visionnaire, attaché à pourfendre le nihilisme.
Benoît Duteurtre, Le Grand Rafraichissement, ed. Gallimard, 214 p.
Difficile de ne pas taxer Benoît Duteurtre de boomer ultra réac nostalgique d’un passé révolu. Difficile aussi de ne pas se poiler sur les premières pages face aux aigreurs d’un auteur en rogne contre une époque qu’il déteste autant qu’elle lui échappe. Dans cette fantaisie romanesque, au nom de l’équité judiciaire, les nantis doivent endurer le même sort que les habitants des quartiers populaires visés injustement par la police. L’auteur livre ses réflexions sur le progrès, les traditions, les micro-agressions, les TER woke ou encore l’évolution de la culture, et prône l’équilibre mesuré entre deux conception du monde à priori inconciliables, pour retrouver une société plus apaisée. PC
ESSAI
Lydie Salvayre, Depuis toujours nous aimons les dimanches, ed. du Seuil, 144 p.
Jugeant l’air du temps vicié, enragée par la rhétorique phallocrate des néolibéraux, Lydie Salvayre enchaîne les essais pourfendant la “bien-pensance” actuelle, avec plus ou moins de bonheur. Rien de bien original à s’atteler ici à célébrer les vertus du temps libéré face aux zélotes de la “valeur travail”. Si le propos semble convenu, la manière l’est moins. Porté par une fièvre et une gourmandise communicatives, ce nouvel essai regorge de trouvailles lexicales, de références en pagaille et de traits d’esprit joyeusement anarchiques. Chant tonitruant aux accents jubilatoires. NJ
Poésie
Eva Marzi, Hippocampe, ed. La Veilleuse – coll. « Le verre ardent », 120 p.
Dans ce récit poétique, un jeune Tunisien se réveille amnésique dans un hôpital de Genève, et doit reconstruire son passé par bribes. Ressurgissent alors les souvenirs d’une terre quittée, d’une mer traversée, d’un mariage blanc. Ici, perte de mémoire et sentiment d’exclusion se mélangent pour rendre la complexité d’une situation d’exil. A noter le double-sens de l’hippocampe, à la fois cheval de mer et structure cérébrale déterminante de notre mémoire, qui parfois, galope ou se cabre. EI
Poésie
Vincent Gilloz, Chronomètres, éd. Des Sables, coll. « Roses des Sables », 80 p.
Après un premier roman en prose poétique intitulé L’Ecorce du réverbère, l’écrivain romand Vincent Gilloz offre une nouvelle parution composée exclusivement de poèmes. En parlant du temps que prend une cigarette à se consumer, du rythme de la fonte des glaciers, ou encore de la durée d’un trajet en train, l’auteur nous pousse à nous demander : est-il possible de mesurer le temps ? Conçu comme un long dialogue, l’ouvrage propose des éclats de narration profonds, légèrement acides, qui nous illuminent par leur dextérité et leur spontanéité. LS
EN VIDéo
Booké au Salon
La semaine passée se tenait le Salon du Livre de Genève et l'équipe de Booké s’est jetée sur l’occasion pour aller à la rencontre des lecteur·ices de Suisse romande. Ils et elles sont même tombé·es sur notre talentueuse collègue Licia Chery.
On connaît le tempérament hyperbolique du père de Maigret: redoutablement prolifique, gourmand de tout, Georges Simenon est un créateur plus grand que nature. Comment réduire alors ce parcours de vie et cette œuvre de titan aux dimensions d’une modeste exposition? C’est le défi que relève la Fondation Jan Michalski de Montricher, en présentant aux simples curieux et aficionados un choix de photographies, de manuscrits, de documents de travail et de premières éditions. Une plongée au cœur de l’atelier d’un des auteurs les plus traduits et chéris du XXe siècle, par la grâce des archives détenues par son fils John Simenon , ainsi que celles du Fonds Simenon de l’Université de Liège. John Simenon est l’invité de Quartier Livre, au micro de Nicolas Julliard. L’exposition est à voir jusqu’au 29 septembre 2024. Carte blanche: Quentin Mouron Quartier Livre, RTS La Première, di 24 mars
Et si la (science)-fiction était le meilleur outil d’anticipation des crises ? Début 2024, Armasuisse Science et Technologie (Département de l’armée), sous l’égide de Quentin Ladetto, a mandaté différents auteurs de science-fiction pour évaluer comment des situations quotidiennes pourraient se trouver bouleversées par les technologies. En est née la publication Situations 2043, qui rassemble essais philosophiques et fictions. Frédéric Jaccaud de La Maison d’Ailleurs, Boris Bruckler, auteur et Quentin Ladetto , Directeur de recherche chez Armasuisse et initiateur du projet sont les invités de Quartier Livre. Animation : Ellen Ichters / Carte Blanche : Daniel Vuataz Quartier Livre, RTS La Première, di 17 mars
Les effluves de la terre lorsque revient le printemps. Le parfum des cheveux dʹun enfant. La senteur du foin en été. Les odeurs jalonnent nos vies. Elles deviennent des personnages, racontent des histoires et révèlent des émotions. Chaque odeur a sa propre vie et peut changer notre perception du temps et de l'espace. Comment serait une vie sans odorat? Tribu reçoit Ryoko Sekiguchi, écrivaine et traductrice. Elle publie LʹAppel des odeurs, aux éditions P.O.L. Tribu, RTS La Première, lu 18 mars
Enseignante férue dʹhistoire, et en particulier celle des femmes qui ont marqué leur époque, Hélène Jacobé est diplômée en histoire de lʹart et en littérature française. Franco-suisse, elle vit à Fribourg. Le Lotus jaune est son premier roman. Roman dʹun destin exceptionnel, Le Lotus jaune rend sa part de lumière à Lin Heiʹer, cette pionnière instigatrice de la première milice de femmes en Chine. Ses aventures nous emportent à lʹère crépusculaire des Qing, au coeur des machinations de la redoutable impératrice Cixi. Le Lotus jaune est à découvrir aux éditions Favre. Hélène Jacobé est lʹinvitée de Pierre Philippe Cadert. Vertigo, RTS La Première, je 21 mars
Le café coups de cœur de vos libraires « Printemps des Poètes » En ce mois de mars, les libraires vous présentent leur sélection pour le Printemps des Poètes, au rayon littérature (1er étage). Cette rencontre gratuite est imaginée et animée par les libraires de Payot Rive Gauche, et se déroule dans la limite des places disponibles. Les inscriptions se font par téléphone, par e-mail ou en librairie. Payot Genève, Genève, sa 23 mars
BiblioWeekend, Programme complet de la BCUL En cette journée nationale des bibliothèques, le site BCU Riponne ouvre grand ses portes aux adultes et aux familles, avec des ateliers et des visites pour tous les goûts ! Ateliers maquillages, philo pour enfants, cyanotypie, visite de la bibliothèque (en particulier de la collection mangas), atelier calligraphie et Bodypercussion. BCU Lausanne, Lausanne, sa 23 mars
Vernissage Damien Murith Fribourgeois, Damien Murith a écrit plusieurs romans ainsi qu'un récit. Ses livres ont reçu de nombreux prix pour leur qualité littéraire. C'est le coup de cœur absolu de la librairie du Baobab en termes d'écriture et de sensibilité, de la prose littéraire qui touche à l'âme et au cœur. Venez assister au vernissage de son nouveau livre le samedi 23 mars. Librairie du Baobab, Martigny, sa 23 mars
10e anniversaire de la collection « L’âme des peuples » aux Éditions Nevicata Créées en 2008 à Bruxelles, les Éditions Nevicata (« enneigées ») se consacrent aux littératures de voyage et d’aventure, en particulier liées à la montagne, et lançaient dès 2013 une collection appelée à un remarquable succès : « L’âme des peuples ». Un titre très humaniste pour un projet qui a les pieds sur Terre, et conçoit le monde comme une mosaïque chatoyante. De la Suisse à l’Afghanistan et de Venise à l’Argentine, plongez aux sources d’une collection emblématique, et célébrez dix ans de bonheur d’être au monde en compagnie de son directeur, le journaliste franco-suisse Richard Werly et de quelques-uns des auteurs qui la font vivre. Payot Lausanne, Lausanne, sa 23 mars
Dédicace et apéro-rencontre avec Manon Roland Manon Roland, autrice de Sang dessus dessous sera en dédicace à la librairie Sacrées Bulles. L'occasion de repartir avec un exemplaire de sa BD (et quelques goodies) et de découvrir les produits locaux des Biérosophes. Librairie Sacrées Bulles, Yverdon, sa 23 mars
Lecture canap Ed Wige Lecture canap Ed Wige, modération : Fanny Wobmann Une petite fille arrive en Suisse avec sa mère pour fuir la guerre. Ballottée entre les langues, les souvenirs et les combines de survie, elle raconte son nouveau quotidien, marqué par la Bündnerfleisch et le chocolat. Mais une question se fait lancinante : où est passé son père ? Avec un tact d’une rare maîtrise, Ed Wige aborde les sujets graves que sont l’exil et les conséquences de la guerre, sous l’apparence de la légèreté. Un texte plein de malice. Lecture Canap, Chaux-de-Fonds, di 24 mars
Lecture canap Matthieu Corpataux Lecture canap Matthieu Corpataux, modération : Anne-Sophie Subilia Parce qu’elle a choisi la ligne claire du sens contre l’obscurité, parce qu’elle évoque des moments d’une vie ordinaire, la poésie de Matthieu Corpataux laisse voir, entendre, ressentir tout ce qui la constitue. Vous souriez en enjambant le vers d’après, vous souriez quand les sons sont en échos, vous souriez en sautant, hop, d’un niveau de langue à l’autre. Mais, surtout : vous êtes entrés chez Emma, dans son jardin qui va comme je te pousse et dans ses murs où s’accrochent ses souvenirs. Un peu, pas trop, elle a subi les coups classiques du destin. La poésie de Corpataux l’ayant choyée si largement, Emma devient autre qu’elle n’est, elle est toute personne de notre entourage, un peu en avance sur la courbe de notre vie et elle nous apprend, avec ou sans mots, à l’accepter. Lecture Canap, Lausanne, di 24 mars
Mon enfant, ma sœur Entretien mené par Alexandre Demidoff, journaliste Culture du Temps Né à Nice en 1960, Éric Fottorino est journaliste et écrivain. Il est l’auteur de nombreux romans parus aux Éditions Gallimard, et a reçu le prix Femina, le prix des Libraires, le Grand Prix des Lectrices de ELLE. Mon enfant, ma sœur (2023) est son quinzième roman. Il y poursuit sa quête identitaire autour de ses pères et de sa mère. Il part à la recherche de sa sœur cachée. En 2018, Angelina, la mère de l’auteur, lui révèle que trois ans après sa naissance, elle a accouché d’une petite fille. Il n’en avait jamais rien su. Désorienté et muni de maigres indices, il poursuit sa quête d’identité tout en ébauchant le portrait de cette sœur qui peu à peu prend forme. Société des lectures, Genève, je 28 mars
Ont collaboré à ce numéro Sarah Clément, Philippe Congiusti, Catherine Fattebert, Ellen Ichters, Nicolas Julliard, Céline O'Clin, Garance Parvis, Layla Shlonsky.
