Avec L’île du là-haut, Adrien Borne poursuit son voyage à travers la mémoire des hommes et des lieux, nous invitant à une traversée pleine de tendresse et d’humanité dans les méandres d’un passé où régnèrent en maître les grandioses et mystérieux sanatoriums, aujourd’hui symboles d’une époque que beaucoup voudraient oublier. On y suit la destinée du jeune Marcel qui, malgré les assauts de la peste blanche, va connaître d’éblouissantes pulsions de vie, lui, le petit capitaine d’un de ces paquebots de béton qui, envers et contre tout, garde le possible et la lumière pour horizon. Murmure des murs Tout là-haut, sur le Plateau d’Assy, les pas crissent parfois, foulant sans le savoir les vestiges de mondes oubliés : ceux des sanatoriums, ces « îles du là-haut ». C’est tout contre les murs de ces vaisseaux d’un autre temps qu’Adrien Borne a posé son oreille, distinguant de son empathie curieuse les échos de la vie qui, un jour, y a résonné grand et fort. Fers de lance de la politique de lutte contre la tuberculose, ces sanatoriums étaient aussi un symbole d’une forme de folie des grandeurs. Le Sanatorium de S, où se déroule l’intrigue, est un lieu tout en ambivalence, où « le carnaval [éclectique] du tout grandiose » côtoie le rationalisme le plus pur, où le confort extrême masque à peine « la sauvagerie du scalpel ». Lieu de conquête, le Plateau d’Assy a aussi été un lieu de défaite. Aveugles et sourds aux « signes, présages et augures » de la montagne, les hommes ont à tout prix cherché à plier la géographie à leurs désirs, oubliant que tout ce que la nature donne, la nature peut le reprendre. Par une savante rythmique, Adrien Borne zigzague entre les époques nous offrant un panorama tout en mélancolie de ces lieux qui connurent la splendeur, la violence d’un chaos de neige et de pierre, le drame du combat contre une modernité toute puissante les reléguant au statut de temples d’une foi superstitieuse et archaïque, puis l’oubli… jusqu’à aujourd’hui. |