On peut dire qu'elle ne manque pas d'air... Après avoir imposé par un chantage de dernière minute la reculade de Michel Barnier sur plusieurs des grands équilibres du projet de budget, Marine Le Pen a continué vendredi de faire monter les enchères tout en déplorant que les « dernières annonces » du Premier ministre « ne soient pas financées par des économies structurelles » et « aggravent un déficit déjà abyssal ». C'est vraiment l'hôpital qui se moque de la charité ! En fait de grands équilibres, le RN n'est pas vraiment exemplaire, avec un programme chiffré à 100 milliards d'euros de dépenses nouvelles par l'Institut Montaigne lors des dernières législatives anticipées. Moins que celui du Nouveau Front populaire certes, mais lui au moins s'équilibrait par des hausses d'impôts... La mesure la plus délirante du programme du Rassemblement national, le retour à un âge de départ à 60 ans à taux plein était chiffré à 38 milliards par l'Institut Montaigne contre 17 milliards par le parti nationaliste. La marche vers la crédibilité économique du RN est encore haute. Sous pression, le Premier ministre, qui a bâti en quelques semaines un budget de bric et de broc faisant payer un peu tout le monde au pot pour ramener le déficit vers les 5% du PIB, passera-t-il la semaine ? Le premier test viendra lundi soir avec une possible censure sur le PLFSS, le budget de la Sécu, ou à défaut mi-décembre quand il faudra faire passer le budget de l'Etat par la procédure du 49.3. Soumis à un ultimatum jusqu'à lundi pour améliorer sa copie, Michel Barnier a déjà beaucoup rabattu de voile. Moindre hausse que prévu de la taxation de l'électricité, un peu en trompe-l'oeil, probable renoncement à toute hausse sur le gaz, mais aussi réduction des moyens de l'aide médicale d'Etat, promesse d'examiner au printemps la proportionnelle pour les prochaines législatives, ces concessions satisfont en réalité au-delà du seul RN mais il reste des « lignes rouges » a déclaré le président du parti Jordan Bardella qui est beaucoup moins disert pour proposer des pistes d'économies documentées. Dans ce jeu de poker menteur, Michel Barnier a sans doute trop tardé à vouloir jouer la montre et se retrouve acculé avec une main assez médiocre. Mais il est peut-être hasardeux de le condamné si tôt à la censure, comme l'a laissé entendre avant de le démentir Emmanuel Macron. Car si l'Elysée soutient son Premier ministre comme la corde le pendu, il demeure une corde de rappel solide celle-là, celle des marchés financiers qui ont fait s'envoler les taux français à dix ans au niveau des taux grecs. Certes, ce n'est encore que 3%, mais si la politique de Trump fait flamber l'inflation en 2025, les charges de la dette, déjà premier budget de l'Etat, vont continuer de flamber. Elle pourraient doubler, à 100 milliards d'euros par an, à l'horizon de la fin de la décennie... Les investisseurs, appelés à financer les 300 milliards d'euros d'emprunts d'Etat que la France devra placer l'an prochain, n'aiment pas l'instabilité politique et nous la font payer de plus en plus cher. C'est la ruse de la raison de l'histoire. Il n'est pas si sûr que les électeurs du RN, en particulier l'électorat de retraités et d'épargnants aisés dragués par un Jordan Bardella à la recherche d'une crédibilité économique apprécient beaucoup de voir la France sombrer dans une crise politique qui ne ferait qu'aggraver la facture financière sans rien résoudre. Parfois, il faut juste un peu de bon sens... D'autant que l'état de santé de l'économie s'aggrave et que le moral des ménages et des entreprises est dans les chaussettes, pas sous le sapin. Michel Barnier, qui fait comme s'il devait passer Noël, a déjà prévu un nouveau séminaire gouvernemental pour préparer 2025. L'habile négociateur qu'il est ne peut que s'en remettre à Notre-Dame de Paris, dont la réouverture se concrétisera la semaine prochaine, pour éviter le drame budgétaire. A Bercy, à la direction du Trésor, on se prépare à tous les scénarios. « Chacun prendra ses responsabilités », a lâché le Premier ministre en marge d'un salon des PME. Une chose est sûre, l'Histoire jugera sévèrement celle ou ceux qui prendront la responsabilité de précipiter inutilement la France dans une crise financière dont elle peut faire l'économie, à l'heure où le manque de visibilité plonge les entreprises dans l'angoisse du lendemain et fait remonter la courbe du chômage. Disposant du feu nucléaire politique, Marine Le Pen va devoir y penser à deux fois avant d'en faire usage, car cette stratégie de la prise d'otage permanente pourrait bien se retourner contre elle. Y aura-t-il de la Dinde à Noël ? En première opposante et candidate à la magistrature suprême, elle seule le sait et on verra assez vite si elle est joueuse de poker ou d'échecs...
A lire sur La Tribune cette semaine . Intempéries : les réseaux électriques en première ligne. Retrouvez ce dimanche dans La Tribune Dimanche notre supplément sur les défis de l'adaptation au changement climatique. . Héritage : les pistes explosives de la Fondation Jean-Jaurès. Une note rédigée par un sénateur socialiste et deux hauts fonctionnaires plaide pour une remise à plat de la fiscalité des successions. Il promet toutefois d'épargner 99% des ménages. . Black Friday : nos conseils pour déchiffrer les étiquettes. La plus grande opération commerciale de l'année se tient ce vendredi 29 novembre. Une journée qui n'est pas sans danger pour les consommateurs. . Grande distribution : le textile made in France fait son entrée. Réputé trop onéreux, le textile made in France parvient tout de même à investir la grande distribution et les enseignes du commerce de détail. Le tout au prix d'investissements importants dans leurs procédés industriels.
|