« L’écho de mes pas précipités résonne sur le sol dur et brillant, et la lumière implacable des néons m’oblige à plisser les yeux. — Par ici. Le médecin des urgences s’arrête, et me fait entrer dans une pièce fraîche et austère, la morgue de l’hôpital. Sur une table, sous un drap, gît le corps brisé et sans vie de mon frère. Un choc sismique m’écrase la poitrine, vidant mes poumons de leur air. Rien n’aurait pu me préparer à cela. Kit, mon grand frère. Mon roc. Kit, le douzième comte de Trevethick. Mort. — Oui, c’est lui. Les mots sont comme du coton dans ma bouche. — Merci, Lord Trevethick, chuchote le médecin. Merde. C’est moi, maintenant ! Je regarde Kit. Mais ce n’est plus lui. C’est moi, sur la table, gisant contusionné et brisé… froid… mort. Moi ? Comment ? Depuis ma position allongée, je vois Kit se pencher vers moi pour m’embrasser sur le front. — Adieu, espèce d’enfoiré, murmure-t-il, la voix enrouée par ses larmes retenues. Tu vas assurer. Tu es né pour ça. Il m’adresse ce petit sourire de travers, sincère, qu’il réserve aux rares moments où il a merdé. Kit ! Non ! Tu te trompes. Attends ! — Tu vas assurer, Joker, dit-il. Le numéro treize te portera bonheur. Son sourire s’efface et il disparaît. Je baisse à nouveau les yeux, penché au-dessus de lui. Il dort. Pourtant son corps brisé dément cette illusion – non, il ne dort pas – il est… mort. Non ! Kit ! Non ! Les mots restent coincés dans ma gorge, trop serrée par la tristesse. Non ! Non ! Je me réveille, le cœur battant. Où suis-je ? » |