Comment justifier encore la preuve de travail à l’heure de la crise climatique ? L’Université de Cambridge a beau avoir révisé ses calculs à la baisse (lire ci-dessous), il n’en demeure pas moins que le réseau Bitcoin a besoin de 89 Twh, soit une consommation légèrement supérieure à celle d’un pays comme la Finlande.
Cette blockchain utilise en effet une grande puissance de calcul pour être entretenue. Des ordinateurs partout dans le monde s’efforcent de résoudre un problème mathématique pour avoir le privilège d’être le seul à valider un bloc de transactions (toutes les 10 minutes). Ils obtiennent alors une récompense (6,25 bitcoins) pour leur travail – d’où le terme de « preuve de travail ». On dit qu’ils « minent » du bitcoin. Cependant, d’autres technologies existent, pour une consommation électrique infiniment moindre, comme celle d’Ethereum.
Nombreux sont toutefois les défenseurs de la preuve de travail : ils considèrent que c’est la manière la plus simple et la plus sûre d’entretenir le réseau Bitcoin. Ils mettent souvent en avant l’utilité du minage pour rentabiliser la construction de centrales électriques, comme dans le parc naturel du Virunga, en République Démocratique du Congo, par Bigblock Datacenter, où la production d’un barrage excède amplement la demande encore peu développée.
Des prix négatifs
Aux Etats-Unis, les prix de l’électricité tombent parfois en territoire négatifs, comme le rappelait une conférence de Surfin’ Bitcoin 2023 fin août. Cela signifie que des sociétés sont payées pour absorber la surproduction afin de ne pas mettre le réseau en surpuissance, ce qui entraînerait une déconnexion automatique (voire des accidents). Le minage trouve alors toute son utilité, car les ordinateurs peuvent être arrêtés et relancés rapidement en cas d’urgence. En période de sous-production, ils peuvent ainsi libérer leur consommation, moyennant une compensation financière. C’est déjà le cas avec d’autres industries en France, mais elles n’ont pas forcément la même réactivité.
Seulement, il faut s’assurer que le recours au minage n’encourage pas les énergies fossiles et n’accentue pas indûment la demande électrique. Ainsi – au risque de heurter les puristes –, il faudrait une autorité centrale pour planifier son utilisation : pour rentabiliser effectivement des centrales fonctionnant avec des énergies renouvelables à la production intermittente et aléatoire. Ou encore pour éviter aux installations nucléaires de tourner pour rien en cas de baisse momentanée de la demande (l’inertie d’une centrale nucléaire étant longue). Mais certainement pas pour brûler plus de charbon.
La réalité est malheureusement que la majorité des énergies utilisées pour la consommation électrique du minage reste issue de ressources fossiles. L’Europe pourrait mener une politique d’envergure pour changer la donne et offrir à bitcoin une production verte. Pas sûr que cela soit au programme de l’Union, alors que des parlementaires envisageaient encore récemment d’interdire le minage à cause de son empreinte carbone.
Rémy Demichelis