Je viens de lire un ouvrage passionnant de Frederika Van Ingen : Ce que les peuples racines ont à nous dire[1].
Frederika est journaliste.
Depuis des années, elle écrit des articles sur la santé, l’environnement ou le développement personnel.
A travers ce livre, elle se passionne pour les médecines traditionnelles des peuples premiers.
Elle les appelle les “peuples racines”.
Leur particularité est de n’avoir jamais perdu le lien avec la terre.
Ces peuples comptent 370 millions d’individus, répartis en 5000 groupes humains.
Ils vivent dans les deux Amériques, en Sibérie, en Afrique ou en Océanie.
Ils sont encore enracinés. Ils ont gardé une partie de leurs habitudes ancestrales. Ils sont habités par une sagesse d’un autre temps qui s’est transmise sur des dizaines, voire des centaines de générations…
Ils ont quelque chose à nous dire du fond des âges.
De leurs enseignements dépend peut-être notre avenir.
Des noms amérindiens sur les cartes géographiques...
Ces peuples depuis une vingtaine d’années sont “à la mode”.
C’est vrai en France par exemple où l'ancien Président de la République, Jacques Chirac, s’était passionné pour eux. Le musée du quai Branly a été ouvert en leur honneur.
Aux Etats-Unis, il est devenu de bon ton d’avoir un ancêtre Sioux ou Apache[2].
La toponymie de ce pays rappelle du reste la présence des tribus indiennes sur l’ensemble du territoire américain. De nombreuses villes ou états américains sont nommés d’après des tribus amérindiennes.
C’est le cas par exemple de Seattle, du Kansas ou du Dakota du Nord et du Sud.
Seattle est le nom d’un chef de la tribu des Duwamish au sujet de laquelle la justice débat encore si elle est éteinte ou non.
Les Kansas étaient une tribu de quelques milliers de personnes.
Leur dernier représentant se serait éteint en 2000.
C’est auprès d’eux que Andrew Taylor Still, le fondateur de l’ostéopathie, a appris la médecine. Son approche s’est directement inspirée de leurs enseignements.
Les Dakotas, comme les Lakotas sont des Sioux. Ils vivaient dans de vastes territoires au centre des Etats-Unis : les grandes plaines où ils chassaient le bison.
Etats-Unis : des populations fragiles
Les Sioux aujourd’hui vivent reclus dans réserves fédérales. Ce sont des quartiers pauvres, mal équipés. Ils sont logés dans des maisons de bois éventrées.
Leur santé est globalement mauvaise, notamment chez les plus jeunes.
Ils sont malades du mode de vie moderne.
Ils mangent trop de sucre, trop de nourriture industrielle et boivent trop d’alcool.
Ils peinent à s’imaginer un avenir tant leur passé leur pèse. Il leur est difficile de se relever des injustices qu’ils ont subies. Le taux de suicide est élevé. Leur espérance de vie est plus faible que celle des autres Américains.
Ils reçoivent des touristes enthousiastes à l’idée de rencontrer de vrais “amérindiens”. Mais cela ne leur donne aucune perspective d’avenir[3].
Ce phénomène, hélas, ne touche pas que les Dakotas. C’est aussi la réalité des Aborigènes d’Australie par exemple.
Des Mapuche combatifs
Au Chili et en Argentine, dans une région qui s’appelle l'Araucanie, vivent les Mapuches.
Ils se sont battus contre l’extension des Incas, puis l'invasion des Espagnols et aujourd’hui ils luttent pour préserver la nature et leurs terres.
Eux aussi sont confinés dans des réserves.
Ils n’occupent plus que 5000 km² soit 5% de leur territoire d’origine[4].
En dépit de ces attaques répétées, ils ne baissent pas les bras. Ils restent parmi les défenseurs de l’environnement les plus actifs de cette partie du globe qui en a bien besoin.
Soja OGMs[5], fermes concentrationnaires de saumons norvégiens[6], poulets transgéniques, déforestation, extraction de l’aluminium, etc. L’Amérique latine n’est pas épargnée par les défis environnementaux.
C’est aujourd’hui LE continent des essais hasardeux de l’agro-industrie !
La conscience du monde
Partout où elles se trouvent, ces populations sont menacées.
Il leur est difficile de continuer à faire perdurer leur mode vie.
Ces peuples lancent un dernier cri d’alarme qui sonne comme un avertissement pour l’ensemble des habitants de la planète.
En Colombie, les Kagaba, peuple de la Sierra Nevada de Santa Marta, sont sortis de leur montagne où ils survivent depuis des millénaires pour dire au monde “que la Mère va se fâcher et que l’homme disparaîtra”.
Lucides, ils savent qu’eux, les peuples racines, risquent de disparaître les premiers, mais “ensuite ce sera votre tour” disent les Kagaba, les Hopi, les Maasaï, les Sioux.
Gaïa
Pour les Kagaba, “la Mère”, c’est la nature, la planète, celle qui nous donne tout, celle à qui les humains appartiennent et avec qui ils doivent contribuer à faire durer l’harmonie du monde[1].
Pour eux, comme pour la plupart des peuples premiers, le monde est un grand corps vivant dont chacun d’entre nous, chaque animal et même chaque minéral, est une cellule.
Tous les êtres vivants seraient donc unis par le lien sacré de la vie et de la terre.
Cette notion rejoint le mythe de Gaïa, la déesse grecque de la terre.
Etre lié à la nature n’est pas nécessairement contraire à la liberté ou au libre arbitre.
Chez les Amérindiens, la liberté des humains consiste à accepter leur condition et à prendre au sérieux leur rôle de cellule au coeur de la nature.
Parole de Lakota
Le vieux Sioux disait :
“ Depuis l’enfance, j’ai observé les feuilles, les arbres et l’herbe, et je n’en ai jamais vu deux exactement pareils. Ils peuvent se ressembler mais en les examinant, j’ai remarqué qu’ils différaient sensiblement. Les plantes appartiennent à des familles différentes. Il en est de même pour les animaux. Il en est de même pour les êtres humains, ayant chacun sa place qui leur convient le mieux. ” [1]
C’est ce que l’on appelle l’esprit animiste.
Cette vision du monde a évidemment une incidence sur la manière dont les Lakotas perçoivent la santé.
Santé et Cosmos
Selon eux, le mot santé se traduit par “un homme en équilibre à l’intérieur”.
Chez les Huichol du Mexique, le corps n’existe pas. “L’être complet” ne se conçoit que dans “sa relation au monde qui l’entoure”.
Chez les Amérindiens, la santé c’est surtout la résonance en soi, en lien avec les autres et avec l’univers.
Et le médecin est un “chamane”, un être qui prend le risque d’être un lien entre le monde invisible, présent dans la nature, et l’être humain.
Le chamane apprend des plantes et des étoiles. Il accompagne et guérit selon ce que la nature lui a montré.
Symptômes et silence
La vision de l’Occident a été résumée par une formule lapidaire du chirurgien René Leriche en 1936 : “la santé, c’est la vie dans le silence des organes”.
Cette vision a structuré notre médecine.
Toute la profession médicale est classifiée selon les organes. Chaque spécialiste a le sien. Et la maladie renvoie à l’apparition de symptômes. Faites-les taire et tout va bien. Voilà pourquoi l’aspirine et le prozac triomphent !
Cela donne une humanité endormie, dont les maux sont cachés et le lien à la nature perdu.
Cela a fait naître :
les maladies de civilisation : cancers, Alzheimer, Parkinson, diabète, obésité ; et les maladies environnementales : allergies, malformations, troubles thyroïdiens, infertilité, problèmes dentaires, hypersensibilité aux ondes, autisme, etc.
Pire, l’Occident entraîne dans sa chute le reste de l’humanité, dont les peuples premiers, qui n’ont su se prémunir contre les méfaits des temps modernes.
Culture et Nature
Cette opposition est très ancienne.
C’est le monde sauvage contre la civilisation, la forêt contre la ville, la vie archaïque des chasseurs-cueilleurs contre la mécanique de l’agriculture industrialisée, etc.
Mais est-elle encore nécessaire ?
N’est-il pas possible de la dépasser ?
Personne ne nie l’utilité des antibiotiques. Mais qui peut se satisfaire du niveau de pollution atteint par nos rivières et nos océans ?
Le mythe du bon sauvage
Penser que la vie des peuples premiers représente un “paradis perdu” n’a pas de sens.
Par exemple, l’anthropologue Philippe Descola dans Les lances du crépuscule explique qu’après avoir vécu deux ans avec les indiens Jivaros, il a dû partir.
Il ne supportait plus être le témoin d’assassinats réguliers liés aux règlements de compte !
Le monde de demain
En revanche, il est évident que les peuples premiers ont de nombreux enseignements à nous livrer.
Frederika Van Ingen rappelle que 75% des traitements utilisés par les tradipraticiens ont été validés par la science !
Par ailleurs, ces peuples rappellent deux principes essentiels :
1/ Votre corps fait partie de la nature, vous ne pouvez pas y échapper.
Et qui peut dire le contraire aujourd’hui ? Il y a plus de bactéries et de virus dans le corps humain que de cellules !
2/ Les sociétés humaines font également partie de la nature et ne peuvent pas s’y soustraire.
Le monde de demain, s’il existe, ne vivra que si les humains apprennent à nouveau à coopérer avec la nature.
C’est la permaculture, l’énergie verte, la sortie du plastique et la réduction drastique de la pollution médicamenteuse.
Vaste programme !
Naturellement vôtre,
Augustin de Livois
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