Tempête en vue pour les cryptos outre-Atlantique. Vendredi 10 février, la plateforme d’échanges Kraken s’est vu infliger une amende de 30 millions de dollars dans le cadre d’un accord négocié avec le gendarme financier américain, la Securities and Exchange Commission (SEC), qui lui reprochait d’avoir vendu des titres non enregistrés par le biais de son programme de staking. Il s’agit du mécanisme qui permet à un propriétaire de cryptomonnaies d’en immobiliser une partie pendant un certain temps afin de participer au bon fonctionnement d’une blockchain. Ce dernier est, en contrepartie, récompensé en jetons. Populaire auprès des investisseurs depuis la création des cryptomonnaies, le staking est dans le viseur de la SEC… qui pourrait bien vouloir faire de Kraken un cas d’école. Le président de l’institution, Gary Gensler, a estimé dans une vidéo publiée sur Twitter que la plupart des acteurs qui fournissent ce service n’informent pas suffisamment leur clientèle : « Lorsqu’une entreprise offre ce type de rendement, sa démarche doit s’accompagner des protections prévues par les lois fédérales relatives aux titres financiers. » L’innovation pourrait en prendre un coup Depuis plusieurs jours, des voix s’élèvent au gré des rumeurs voulant que le gendarme financier américain considère Ethereum comme tel depuis sa mise à jour (The Merge) de mi-septembre – qui a fait migrer la blockchain d’une preuve de travail à une preuve d’enjeu. Le directeur général de Coinbase, Brian Armstrong, a fait part jeudi 9 février de ses inquiétudes par le biais d’une série de tweets : « Le staking est crucial pour l’innovation dans les cryptos. Il apporte de nombreuses améliorations au secteur en matière de passage à l’échelle, de sécurisation et de réduction de l’empreinte carbone. » En d’autres termes, la SEC prendrait le risque de fortement désavantager les Etats-Unis sur la scène internationale si elle formalisait l’interdiction de cette pratique pour les investisseurs particuliers. En effet, une telle décision ne s’appliquerait qu’aux seuls Américains. Le fonctionnement des blockchains, décentralisées par nature, ne serait pas affecté : d’autres investisseurs pourraient se livrer à cette pratique ailleurs dans le monde. Les plus expérimentés d’entre eux pourraient, en outre, se passer des plateformes régulées pour créer leur propre nœud de validation. Si la SEC semble ferme vis-à-vis de son intention d’interdire le staking, elle devrait toutefois consulter tous azimuts avant d’officialiser sa décision. Ce qui pourrait la conduire à observer la manière dont les autres grandes puissances régulent le secteur. A partir du printemps 2022, période à laquelle ont émergé les problématiques énergétiques en raison de la guerre en Ukraine, l’Union européenne a envisagé d’interdire un autre procédé de validation qu’elle jugeait énergivore : le minage. Avant de se rétracter, notamment par crainte de brider l’innovation… et d’accumuler un retard technologique. Arthur Le Denn |