La France va voter dimanche pour le premier tour des législatives. Le choix des candidats qui passeront ce premier tour est tout sauf anodin, car le pays n'a jamais connu une offre politique aussi radicale et antagonique. Jusqu'en 2017, l'universalisme était un acquis, sans doute le plus cher, promu par les principaux partis de droite, de gauche et du centre. Ce caractère universel, qui confère à chaque citoyen une égalité de droits et de devoirs, implique également une indifférence républicaine quant à l'apparence, la couleur de la peau, l'origine ou la confession d'un individu. Est français celui qui se proclame comme tel, par-delà ses ascendances. Le « préférentialisme » de Jordan Bardella, qui fait reposer son projet sur la « préférence nationale », vient balayer ce legs sacré, puisque le président du RN inaugure une catégorisation citoyenne : les Français de toujours, ceux « d'origine étrangère » et les binationaux. « Le retour ou l'arrivée de l'extrême droite provoquerait une forte aggravation des maux qu'elle dénonce, en même temps qu'un péril majeur pour la démocratie », prévient notre chroniqueur Nicolas Baverez. ► ÉMANCIPATION. De l'autre côté de l'échiquier, au sein de la LFI membre du Nouveau Front populaire, le « différentialisme » est la philosophie qui sous-tend l'ensemble des discours. L'émancipation n'est plus dans le savoir, le travail, le collectif ou l'expression de sa citoyenneté, mais dans la culture de la différence individuelle ou communautaire. Les « racisés » ou les musulmans sont invités à faire de leurs origines ou de leurs croyances le substrat de leur engagement politique. Terrible et contre-productif quand on souhaite (vraiment) vivre ensemble. « Les musulmans de France manquent encore d'une représentation politique émancipée du communautarisme et de l'essence religieuse, souligne justement Kamel Daoud. Ses porte-parole autoproclamés demeurent incapables de négocier une francité ouverte et plurielle. » |