Il y a cette phrase, fameuse, de Paul Valéry : « Toute politique implique quelque idée de l'homme », que l'on pourrait ainsi détourner pour qualifier notre classe politique : « Toute politique implique quelque idée de soi. » Qui pense, aujourd'hui, à l'intérêt du pays ? L'activité, celle de l'élu de la nation, censée être la plus détachée qui soit des intérêts personnels offre le spectacle d'un choc des petites ambitions. À tous les étages, sur tous bancs, dans tous les palais, vous trouverez un candidat à la présidentielle de 2027. Le sens du ridicule s'est évaporé. Quant au principe de réalité, il est soumis à la variabilité des intérêts personnels. La prochaine présidentielle est la grande toile de fond du décor actuel devant lequel se joue la censure du gouvernement, donc l'avenir du pays. « Des agendas cachés se glissent partout, les postures sur le chemin de la censure n'ayant que peu à voir avec les véritables objectifs des uns et des autres. Les Français l'ont bien compris, écœurés : interrogés la semaine dernière sur le Premier ministre qu'ils souhaitaient voir remplacer Michel Barnier, ils éliminaient tous les politiques et choisissaient, à une écrasante majorité, un profil de technicien ! » écrit d'une plume lucide Sylvie Pierre-Brossolette. Résultat – faut-il le rappeler ? – d'une piteuse dissolution, que Gérard Larcher aurait pu éviter en saisissant le Conseil constitutionnel pour défaut de consultations préalables. « J'ai manqué de réflexes », s'excuse le président du Sénat dans un documentaire diffusé prochainement sur France 2, visionné par Mathilde Siraud. ► SYMBOLE. Pauvre France, qu'a-t-elle donc fait pour mériter tant de médiocrité, pour ne pas dire de médiocres ? Même le parti à la cravate, le RN, a déboutonné le col de la chemise pour prendre la Bastille. En l'occurrence, Matignon. Marine Le Pen se voulait respectueuse des institutions et garante d'un minimum de stabilité ces derniers mois, mais ses affaires judiciaires ont visiblement libéré sa nature. Le chaos est une diversion, un paravent, une pression partagée. On verra pour elle, très vite, les conséquences d'une censure annoncée – si elle a lieu –, mais il est certain qu'elle peut a minima se prévaloir d'une victoire symbolique. Pour notre journaliste, spécialiste des droites, Charles Sapin, si Marine Le Pen peut se réjouir de cette séquence, « c'est en raison de l'existence même de réelles négociations entre le parti fondé par Jean-Marie Le Pen et un gouvernement en exercice ». En effet, du jamais-vu. Ces derniers jours, Michel Barnier n'a eu de cesse d'accéder aux demandes de Marine Le Pen, d'éviter ses lignes rouges en courant le risque de la censure et, en outre, celui de faire du RN, définitivement, un parti crédible. Tant pis pour l'image de la France, son économie et sa relégation sans fin. |