Admettons que l’introduction des cryptoactifs s’avère aussi disruptive que le serait l’apparition dans le ciel de petits véhicules volants pouvant aisément atteindre 300 km/h. Envisageons que ces « flyingcars » circulent à environ une cinquantaine de mètres de hauteur, mais qu’elles décollent et atterrissent sur la route. Enfin, parions que les autorités décident de ne pas les interdire dès leur survenance tout en s’interrogeant sur les règles à faire respecter. Imaginons qu’elles imposent le Code de la route existant pour parer au plus pressé.
Aux États-Unis, les autorités s'organisent : la SEC (Securities and Exchange Commission) a dégainé la première en arguant que ce sont des valeurs mobilières et doivent être traités comme telles. Faute de quoi, les réfractaires seront poursuivis en justice. La CFTC (Commodities and Futures Trading Commission) a, elle, engagé des poursuites dans le cas des produits dérivés sur cryptoactifs, avant que d’autres s’en mêlent, notamment au sujet du respect des sanctions financières américaines (Office of Foreign Assets Control).
Les fournisseurs de cryptoactifs ou leurs intermédiaires contestent ces prises de position, et font valoir que les cryptoactifs sont très différents. En conséquence, les règles concernant les valeurs mobilières ne leur seraient pas applicables en l’état. Certains refusent de transiger et semblent prêts à aller jusqu’à la Cour Suprême pour rejouer l’affaire SEC contre WJ Howey Co de 1946.
Des règles adaptées
Au sein de l’Union européenne, il a été décidé d’écrire un code spécial pour les voitures volantes, mais très largement inspiré du Code de la route. Il s’agit de MiCA (Market in Crypto Assets) adopté par le Parlement européen, la semaine dernière, pour une entrée en vigueur en 2024. La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ainsi que le gel ou la saisie des avoirs sont déjà et resteront des obligations fondamentales dans le cadre de la plupart des activités impliquant des cryptoactifs.
Quelle est l’attitude la plus appropriée ? Mettre des amendes à toutes les voitures volantes qui transgressent le Code de la route et finir devant les tribunaux ou bien en créer un de toute pièce en espérant qu’il ne tardera pas trop à entrer en vigueur ? La crise de croissance des activités liées à cette innovation majeure que représente la blockchain démontre que, finalement, disposer de règles est préférable, surtout si elles sont adaptées aux attentes de la plupart des parties prenantes.
Guillaume Burtschell, associé Finegan