C’est peut-être parce que la parenthèse dorée de Roland-Garros pointe son nez à l’horizon avec son lot de « faute ! » ou plus sûrement parce que l’âge avançant, on en vient à se transformer malgré soi en arbitre de chaise. Il ne se passe pas un journal d’information à la radio ou une émission, sur France Inter et sur France-Culture, sans que je repère une ou plusieurs fautes de français dans la bouche des présentateurs, journalistes et autres chroniqueurs. Pour qui attache un tant soit peu d’importance à la langue, c’est une torture microscopique mais douloureuse que d’entendre des erreurs grammaticales, lexicales, de conjugaison ou autre répétées à longueur de journée. En vrac, j’ai retenu ces jours derniers « des envoyés spécials » à deux reprises, des « par contre » à la place des « en revanche », des « sur » en lieu et place de « au sujet de », « à », « vers » ou « dans », des accords désaccordés entre pluriel et singulier, un verbe conjugué au présent plutôt qu’au futur – « nous sommes en direct de Tbilissi dans un instant » -, des verbes intransitifs munis de compléments d’objets directs et j’en passe. Bien sûr, la Maison ronde a d’autres chats à fouetter en ce moment, elle est directement menacée par son autorité de tutelle qui aimerait la voir se fondre dans un projet de holding plus que douteux, et se trouve prise entre deux feux, celui d’une direction déterminée à recadrer la ligne éditoriale et un public hystérisé qui n’accepte pas qu’une émission puisse être modifiée ou supprimée. Par ailleurs, le phénomène d’appauvrissement de la langue dépasse largement les journaliers de l’oralité, il contamine tout le monde y compris les artisans de la presse écrite et votre serviteur en premier lieu. Faute de pouvoir mettre un terme à ce dérapage, nous nous contenterons de rester dans la confortable position de l’inspecteur du JT fini et d’émettre un simple souhait. Un faux pas nous agace au plus haut point et ce, d’autant plus que celui-ci est répété à l’envi à l’antenne par nos camarades critiques. C’est l’emploi du mot « côté » à la place d’« aspect » pour qualifier une œuvre, il faut, je vous en conjure, y mettre un terme. Dimanche dernier, il a fallu subir sur France Inter « ce côté un peu fresque romanesque », « Godard a un côté troll » et « ce côté thriller politique ». Jusqu’à preuve du contraire, un carré possède quatre côtés et une création plusieurs aspects. Et pourtant, la confusion donne régulièrement lieu, notamment dans les bien-aimés rendez-vous « Les Midis de Culture » et « Le Masque et la Plume » à des non-phrases dont une nous est récemment restée en travers de l’oreille « le côté sucré du spectacle marche » pour signifier « l’aspect ou le ton léger de la comédie musicale fonctionne ». Au passage, nous ferons mine d’oublier le fait qu’une œuvre aussi médiocre que « Molière, le spectacle musical » puisse être débattue sur France-Culture. Voilà, c’était l’heure du relou. Et un lointain hommage au regretté Bernard Pivot, gardien du temple de la langue française sur le service public. Arnaud Sagnard |