Dieu m’est témoin que je suis « madame pensée positive » (j’ai même suivi un stage de parentalité douce pour le journal, à l’issue de laquelle je mordais dans des crayons plutôt que pulvériser verbalement mon glando de fiston, 8 ans à l’époque) mais quand j’ai entendu parler des « listes d’ingratitude », popularisées par la psychothérapeute américaine Jodie Carris, mes sourcils ont bondi, ravis. Travailler sa pensée négative ? C’est rigolo, subversif, un petit peu sale, ça me plait ! Concrètement, il s’agit d’écrire, noir sur blanc, tout ce qui nous chiffonne, nous déçoit ou nous met en colère au jour le jour. De quoi pallier les limites de la psychologie positive : et si dire que tout va bien et que rien n’est grave, c’était le meilleur moyen, à terme, de se préparer un bel ulcère ? Lister nos problèmes sur le papier permettrait de les visualiser mais aussi les mettre à distance, ce qui constituerait le premier pas pour les résoudre. Et c’est également l’occasion de balancer quelques noms, grande tradition chez les Gaulois, réfractaires ou non. J’ai juste peur que quelqu’un lise ma liste de la semaine, qui va de « Pourquoi Didier a -t - il encore acheté de la lessive La Chat alors que je lui ai dit cent fois que je n’aime qu’Ariel ? » à « je veux tuer Poutine » en passant par « Trop de bonnes séries, pas assez de temps », « Sylvie est une salope » et « Je déteste la cannelle et tout le monde a l’air de s’en foutre. » De quoi finir à l’asile. Mais je reconnais que de telles listes ont l’immense avantage de pouvoir relativiser nos tracas (ici, je pense à mon amie Sylvie qui a mis de la cannelle dans sa tarte aux pommes le soir où je suis venue dîner chez elle. C’est grave, certes, mais avec le temps je pense que je m’en remettrai.) Une démarche utile car en général, ce sont les ennuis des autres, qui nous semblent minimes. Par exemple, quand j’ai découvert que l’ex super top model Linda Evangelista posait, défigurée par un traitement esthétique, je me suis jetée sur les photos dans le magazine « People » (on a une bonne âme ou pas) et sur le papier, dans lequel elle listait ses ingratitudes, à sa façon : « J’ai toujours su que j’allais vieillir et je sais qu’il y a des choses qui arrivent au corps. Mais je ne pensais pas que j’allais ressembler à ça. » Sur ma propre liste de doléances, j’ai rajouté illico : « pourquoi personne ne m’a jamais défigurée comme ce -toujours- canon de Linda Evangelista ? » La liste de ses ennuis, un vrai truc de rageuse.
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