Le Grand Paris des écrivains | |
Régine Robin - Je me souviens d'un coin perdu | |
" Comment rendre comte d'un quartier perdu dont il ne reste à peu près rien? Ce n'est pas simplement le travail du temps, de la vie qui est passée, ce n'est pas seulement le cours des ans qui bouleverse toute chose, c'est qu'il a été massacré. Pas de bombardement, mais la restructuration de Paris à la fin des années cinquante. Ce coin de Belleville-Ménilmontant entre la rue Julien-Lacroix et la rue des Couronnes entre la rue de Ménilmontant et la rue de la Mare, devint sous la plume des technocrates du temps et des démolisseurs, l'ïlot insalubre numéro7. Nous habitions au18 Passage Ronce. Ne le cherchez pas en vous promenant dans le quartier, ou en scrutant un plan du 20e arrondissement, même son tracé n'existe plus. On peu voir sur un mur adjacent à l'école de garçons de la rue Julien-Lacroix, une tâche un peu plus claire que l'ensemble de la paroi. C'est la trace de la plaque qui annonçait le Passage. A droite du passage, s'ouvrait la cour où nous habitions au milieu de laquelle poussait un figuier qui s'efforçait de survivre. Un vieil algérien en prenait soin, lui parlait et le protégeait. Au fond une dizaine d'appartements en deux escaliers. En face, quand on traversait la rue des Couronnes, on se trouvait devant le grand escalier qui, à travers le boisé où fut tourné Casque d'or qui menait vers la rue de Transvaal et la rue des Envierges d'où l'on avait une des plus belles vues de Paris. Le dernier plan de l'Homme qui dort d'après le roman de Perec s'y arrête. Là s'ouvraient les escaliers de la rue Vilin chère à l'écrivain, et le passage Julien-Lacroix où nous nous sommes cachés pendant la guerre. Tout cela a été emporté pour faire place au Parc de Belleville... Quand on remontait la rue Julien Lacroix jusqu'à la grande église; s'ouvrait la rue Etienne Dolet où se trouvait l'école des filles et tout près de la place qui ne s'appelait pas encore Place Maurice Chevalier , une confiserie o*u l'on allait acheter des réglisses et de roudoudous. La tenancière avait de la sympathie pour moi et m'appelait :la petite survivante. Tout cela peut paraître nostalgique, lointain. Ces lendemains de la guerre portaient notre espérance et dans ce quartier considéré comme un taudis, insalubre, à démolir, nous réapprenions à vivre et nous étions heureux." Régine Robin Née en 1939), écrivaine, historienne et sociologue, autrice de Berlin chantiers (Stock 2001), Megapolis : les derniers pas du flâneur (Stock, 2009), Le Mal de Paris (Stock, 2014). « Je me souviens d’un coin perdu » se plonge dans les souvenirs d’enfance de l’écrivaine qui a grandi dans l’ilot insalubre n°7, quartier aujourd’hui disparu, qui se trouve entre le Parc de Belleville et l’église Notre-Dame-de-la-Croix de Ménilmontant. Voir le film | |
Le Grand Paris des écrivainsCollection de courts métrages / Saison 1 Le Pavillon de l’Arsenal produit avec Année Zéro, en partenariat avec Libération, la collection de films « Le Grand Paris des écrivains » entre vision documentaire et fiction littéraire, diffusés tous les samedis depuis le 3 octobre 2020. Réalisée par Stefan Cornic, cette première saison explore avec Maylis de Kerangal, Aurelien Bellanger, Alice Zeniter, Thomas Clerc, Joy Sorman, Julia Deck, Nina Léger, Pierre Assouline, Régine Robin et Simon Johannin, leurs lieux intimes, familiers, emblématiques ou méconnus de la métropole parisienne... | |
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Collection de courts métrages réalisée par Stéfan Cornic et produite par Année Zéro et le Pavillon de l'Arsenal avec le soutien de Libération | |
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Le Grand Paris des écrivains | |
Régine Robin - Je me souviens d'un coin perdu | | " Comment rendre comte d'un quartier perdu dont il ne reste à peu près rien? Ce n'est pas simplement le travail du temps, de la vie qui est passée, ce n'est pas seulement le cours des ans qui bouleverse toute chose, c'est qu'il a été massacré. Pas de bombardement, mais la restructuration de Paris à la fin des années cinquante. Ce coin de Belleville-Ménilmontant entre la rue Julien-Lacroix et la rue des Couronnes entre la rue de Ménilmontant et la rue de la Mare, devint sous la plume des technocrates du temps et des démolisseurs, l'ïlot insalubre numéro7. Nous habitions au18 Passage Ronce. Ne le cherchez pas en vous promenant dans le quartier, ou en scrutant un plan du 20e arrondissement, même son tracé n'existe plus. On peu voir sur un mur adjacent à l'école de garçons de la rue Julien-Lacroix, une tâche un peu plus claire que l'ensemble de la paroi. C'est la trace de la plaque qui annonçait le Passage. A droite du passage, s'ouvrait la cour où nous habitions au milieu de laquelle poussait un figuier qui s'efforçait de survivre. Un vieil algérien en prenait soin, lui parlait et le protégeait. Au fond une dizaine d'appartements en deux escaliers. En face, quand on traversait la rue des Couronnes, on se trouvait devant le grand escalier qui, à travers le boisé où fut tourné Casque d'or qui menait vers la rue de Transvaal et la rue des Envierges d'où l'on avait une des plus belles vues de Paris. Le dernier plan de l'Homme qui dort d'après le roman de Perec s'y arrête. Là s'ouvraient les escaliers de la rue Vilin chère à l'écrivain, et le passage Julien-Lacroix où nous nous sommes cachés pendant la guerre. Tout cela a été emporté pour faire place au Parc de Belleville... Quand on remontait la rue Julien Lacroix jusqu'à la grande église; s'ouvrait la rue Etienne Dolet où se trouvait l'école des filles et tout près de la place qui ne s'appelait pas encore Place Maurice Chevalier , une confiserie o*u l'on allait acheter des réglisses et de roudoudous. La tenancière avait de la sympathie pour moi et m'appelait :la petite survivante. Tout cela peut paraître nostalgique, lointain. Ces lendemains de la guerre portaient notre espérance et dans ce quartier considéré comme un taudis, insalubre, à démolir, nous réapprenions à vivre et nous étions heureux." Régine Robin Née en 1939), écrivaine, historienne et sociologue, autrice de Berlin chantiers (Stock 2001), Megapolis : les derniers pas du flâneur (Stock, 2009), Le Mal de Paris (Stock, 2014). « Je me souviens d’un coin perdu » se plonge dans les souvenirs d’enfance de l’écrivaine qui a grandi dans l’ilot insalubre n°7, quartier aujourd’hui disparu, qui se trouve entre le Parc de Belleville et l’église Notre-Dame-de-la-Croix de Ménilmontant. Voir le film | | Le Grand Paris des écrivainsCollection de courts métrages / Saison 1 Le Pavillon de l’Arsenal produit avec Année Zéro, en partenariat avec Libération, la collection de films « Le Grand Paris des écrivains » entre vision documentaire et fiction littéraire, diffusés tous les samedis depuis le 3 octobre 2020. Réalisée par Stefan Cornic, cette première saison explore avec Maylis de Kerangal, Aurelien Bellanger, Alice Zeniter, Thomas Clerc, Joy Sorman, Julia Deck, Nina Léger, Pierre Assouline, Régine Robin et Simon Johannin, leurs lieux intimes, familiers, emblématiques ou méconnus de la métropole parisienne... | | | | Collection de courts métrages réalisée par Stéfan Cornic et produite par Année Zéro et le Pavillon de l'Arsenal avec le soutien de Libération | | Pierre Assouline, La Défense | | Nina Leger, Seul événement sur la ligne d'horizon | | Julia Deck, L'ennemi végétal | | Joy Sorman, Une île dans la tête | | Thomas Clerc, Coin Russe | | Alice Zeniter, Fontenay-aux-Roses | | Aurélien Bellanger, Pays de France | | Maylis de Kerangal, Dans la ville écluse | | |
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