Mark Zuckerberg a réussi un formidable coup de communication avec l'annonce du lancement par Facebook de sa propre cryptomonnaie au début de l'année prochaine, sous le nom de code de projet Libra. En France, l'intérêt a été renforcé par la révélation que Xavier Niel, le fondateur d'Iliad, y aurait mis un ticket d'au moins 10 millions de dollars - le minimum requis pour y avoir accès. Pour le fondateur de Facebook, sous pression depuis l'explosion de l'affaire Cambridge Analytica, c'est une façon offensive de tenter de s'extirper de la spirale de perte de confiance dont il fait l'objet. Celle de ses "amis" (2,2 milliards d'utilisateurs actifs), qui s'en éloignent par peur de le voir porter un peu plus atteinte à leur "privacy", et même par Wall Street, qui apprécie moyennement sa presque totale dépendance à la publicité: laquelle accorde au groupe 98% de ses revenus. Pour ajouter à l'annus horribilis que subi la société de Menlo Park depuis le printemps 2018, les menaces s'accumulent du coté des régulateurs et des institutions politiques dans le monde entier, inquiets de l'omnipotence du réseau social, un de ses co-fondateurs, Chris Hughes, ayant même appelé à le "casser" pour le bien public! C'est pourquoi on peut trouver étrange la stratégie de Zuckerberg de tenter de sortir de ce procès en toute puissance par un geste caractéristique de cette démesure pour laquelle la Grèce antique avait inventé le mot d'hubris. Le pouvoir de battre monnaie est un des derniers à rester l'apanage de l'Etat, et si le succès de Facebook sur ce terrain devenait trop voyant, il ne pourrait qu'inciter les autorités publiques à accélérer leurs réflexions pour limiter ses empiètements sur leurs pouvoirs et sur l'automie de leurs citoyens.