« Jâai mis plus de deux ans avant dâĂ©crire ces lignes. Ce nâest pourtant pas faute dây avoir Ă©tĂ© encouragĂ©. Mais avant, je devais me reconstruire, retrouver une forme dâĂ©quilibre, de sĂ©rĂ©nitĂ©. Et puis Ă©crire un bouquin sur ma vie, moi qui nâaime pas parler de ma personne, jâai dĂ» faire mĂ»rir lâidĂ©e. Je suppose quâil faut commencer par un genre dâĂ©tat civil. Je suis nĂ© pendant lâhiver 1973 Ă Toulouse et mon cĆur sâest arrĂȘtĂ© de battre en fĂ©vrier 2017 dans le service de rĂ©animation de lâhĂŽpital dâAlbi (jâai aussi pensĂ© quâil fallait un peu de sensationnel). On mây a trachĂ©otomisĂ©, placĂ© sous respiration mĂ©canique et sous gastrostomie, pour toujours. Je faisais alors 39 kilos pour 1,77 m. JâĂ©tais Ă un stade de dĂ©nutrition si avancĂ© quâil suffisait Ă engager mon pronostic vital. On mâa alors plongĂ© dans le coma pendant une vingtaine de jours. Câest lĂ , entre la vie et la mort, que jâai commencĂ© Ă me reconstruire. Je ne suis pas une victime de guerre, mais jâai un ennemi qui mâa terrassĂ© : la maladie de Charcot. Elle frappe nâimporte qui Ă nâimporte quel Ăąge, sans prĂ©venir. JâĂ©cris ces phrases avec mes yeux grĂące Ă un logiciel de poursuite oculaire car je suis totalement paralysĂ© et muet â tĂ©traplĂ©gique et aphone, pour employer les termes exacts. Je nâai plus quittĂ© mon lit mĂ©dicalisĂ© depuis des annĂ©es, je suis toujours sous assistance respiratoire lourde, je suis alimentĂ© par sonde gastrique et je nâai aucun espoir dâamĂ©lioration selon la science. MalgrĂ© cela, je suis heureux. Aujourdâhui est merveilleux quand on a cru mourir hier, mais pas seulement, câest plus que ça. » |