Devez-vous devenir une marque ? | | La révolte gronde. Des journalistes du New York Times ont récemment fait part de leur mécontentement envers le média américain. L'objet de leur courroux ? La politique extérieure, concernant le travail réalisé en dehors du journal. Trop restrictive, elle ne laisserait que peu d'autonomie et de liberté à des employés souhaitant s'assurer plusieurs points d'ancrage dans un marché volatil. En résumé, le média les priverait d'assurer leur propre « marque », dans une logique de jardin clos, révèle le média Business Insider. En réponse, le New York Times a créé un comité chargé d'examiner les projets extérieurs des journalistes qui entrent en concurrence avec son propre journalisme. Selon la direction du New York Times, plus de 90 % des 200 projets proposés ont été approuvés depuis la création de l'organisme de contrôle. Que dit ce « point de tension croissant » sur la réalité du marché ? L'importance du personal branding La journaliste Taylor Lorenz a ainsi décidé de quitter le New York Times pour le Washington Post, plus permissif en matière de productions extérieures (podcasts, newsletters...). Forte d'une importante communauté de followers – sur Twitter, la spécialiste de l'économie de la création est suivie par 263 000 abonnés –, elle peut donc continuer à développer son image de marque en toute tranquillité. « Les médias du futur seront surtout portés par des personnalités. Les jeunes journalistes reconnaissent qu'avoir sa propre marque et son public confère un certain pouvoir. Or, plus vous resterez cloisonné dans un emploi qui vous empêche d'obtenir des opportunités extérieures, moins vous serez en mesure de créer une marque pertinente », soutient-elle. Et pas besoin d'avoir une audience de plusieurs millions de personnes pour obtenir un avantage concurrentiel, assure la journaliste au média NiemanLab. L'établissement d'un lien personnel avec le public est une « protection contre la méfiance croissante des lecteurs envers les médias ». Ce personal branding ne se traduit pas par une nécessité de crier « Moi, moi, moi » en permanence, mais de parler de son travail de manière régulière, « être présent là où vit son public, dire oui aux opportunités et maîtriser différents médias. (...) Personne ne doit se sentir mal de devoir promouvoir son travail », explique Elizabeth Spiers, ex-editor in chief du New York Observer, dans un long papier expliquant pourquoi les journalistes doivent devenir des marques. « Et même les élites font leur propre promotion : elles donnent juste l'impression de ne pas l'avoir fait et comptent souvent sur les autres pour remplir des fonctions promotionnelles qu'ils considèrent comme indignes d'eux », poursuit-elle. En France, la journaliste de Blast, Salomé Saqué, a bien compris l'importance du personal branding, multipliant sur ses propres comptes les prises de position engagées et les formats incarnés. Son « premier salut », comme elle dit, elle le doit aux réseaux sociaux. Sur Instagram, elle est suivie par 61 000 abonnés, sur Twitter, par 115 000. La journaliste de 26 ans privilégie un contact direct avec son public, qui la suit en masse. « Le sens de mon métier, je le trouve plus sur les réseaux sociaux qu'au sein de la rédaction », explique celle qui vient d'obtenir la certification pour ses comptes Instagram et Twitter. Une question de pragmatisme dans un marché volatil « Ce n'est pas une histoire ridicule de millennials pleurnichards. Il s'agit d'être raisonnable et responsable en matière de finance », explique un ancien employé du New York Times, faisant référence à une génération affectée par la crise financière. Par ailleurs, même au New York Times de nombreux journalistes subissent des réductions de salaire, à côté des journalistes stars aux « salaires confortables », assure la journaliste Elizabeth Spiers. D'où leur envie d'avoir recours à des plans de secours. Pour Jeremy Littau, sociologue des médias, il serait contre-productif de ne pas construire sa propre marque à une époque marquée par l'insécurité du travail : « Nous avons toute une génération de journalistes à qui la direction a appris qu'il n'y a pas de loyauté. Ils seraient idiots de ne pas construire des marques indépendantes. » Les VP des sociétés doivent aussi devenir des marques De leur côté, les VP des sociétés sont aussi poussés à devenir des « marques » à part entière. Sur les réseaux sociaux, ils capitalisent sur leur propre image. C'est ainsi le cas d'Herbert Diess, CEO de Volkswagen, qui se comporte sur LinkedIn comme « un Premier ministre en campagne électorale », selon l'expression de la société de marketing Palmer Hargreaves. Développant des formats incarnés, avec une volonté de proximité, il incite ses collaborateurs et followers à suivre ses aventures de dirigeant sur la plateforme professionnelle. Suivi par 250 000 abonnés, il est à la fois ambassadeur de la marque et manager de sa propre entreprise. L'incarnation pour plus d'impact ! | | | Participez à l'amélioration de notre newsletter ! Vous êtes abonné(e) à la newsletter historique de Story Jungle dédiée à l'univers des contenus. Nous travaillons actuellement à une nouvelle formule. Et si nous l'élaborions ensemble ? Voici un court sondage destiné à améliorer notre offre éditoriale. Deux petites minutes seulement vous seront nécessaires pour y répondre. Un grand merci pour votre participation ! | JUNGLE STORIES | Comment bâtir une communication audacieuse Récemment, Bpifrance suggérait aux entrepreneurs tentés par l'export : "Allez vous faire voir ailleurs !" Ton décalé, approche média intégrale (le Big Tour, le Big media...), Bpifrance est à l'avant garde de la guerre contre l'eau tiède chère à Story Jungle. Nous en avons discuté avec Patrice Bégay, son directeur de la communication. | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | Pour rester sur le sujet du personal branding... Le YouTubeur Super Flame a dernièrement partagé sur Twitter son dépit concernant sa perte de popularité : « 8 ans de YouTube. J'ai connu le giga buzz, à une époque j'arrivais à faire 200k vues en 2 jours. Certaines de mes vidéos ont passé le million. Aujourd'hui, je peine à faire quelques milliers. Le soufflé retombe toujours et l'angoisse de ne plus être dans le coup débarque », confie-t-il. Son « échappatoire » ? L'entrepreneuriat. Si le YouTubeur n'avait pas créé Tellingtone – une appli qui permet d'écouter des fictions audio exclusives –, « je serais incapable de payer mon loyer », partage le créateur. Pourquoi c'est un pavé ? Cet aveu amer montre l'importance de se diversifier, au-delà de l'importance de construire son image de marque. Le succès ne dure qu'un temps. « Pensez long terme, voyez plus loin que les vues », explique-t-il. Pour Jérémy Boissinot de la société de marketing Favikon, « les meilleurs créateurs de contenu sont ceux qui lancent leur projet entrepreneurial en parallèle ». Et d'ajouter que la situation inverse existe également pour les entrepreneurs : « Se constituer une audience sur les réseaux sociaux est une force inestimable pour rebondir en cas d'échec de sa boîte. » Cultivez votre personal branding et diversifiez-vous ! | UN FORMAT À LA LOUPE | | « Les vidéos YouTube d'une heure sont en plein essor à l'ère de TikTok », annonce le média Vox. En effet, les vidéos longues font toujours fureur sur la plateforme, et YouTube serait même devenu « le foyer incontesté de l'essai contemporain ». Les vidéastes y partagent leurs réflexions sur des sujets divers et variés et prennent le temps de nuancer leur point de vue grâce au format long. Terry Nguyen, journaliste chez Vox, explique son goût pour ce type de format pour plusieurs raisons : « Je voulais un contenu divertissant, mais à la fois informatif, réfléchi et analytique. Bref, je voulais quelque chose qui donnait l'impression que moi, le spectateur passif, j'étais intelligent. » Le genre ne cesse de se développer depuis 2012, année où YouTube a commencé à donner plus d'importance au temps de visionnage des spectateurs plutôt qu'au nombre de vues total. Même si TikTok a prouvé aujourd'hui que le format court avait toute sa place sur les grandes plateformes de divertissement, il n'a pas détrôné le long format. TikTok a suscité la crainte de diminuer la capacité d'attention des spectateurs, mais le succès des longues vidéos réflexives prouve qu'il n'en est rien. « Nous commençons à voir davantage de créateurs utiliser les essais vidéo pour commenter les tendances croissantes sur les médias sociaux (...). Les essais vidéo sont une forme qui s'est particulièrement bien adaptée à la culture pop en raison de sa nature analytique », explique Madeline Buxton, responsable de la culture et des tendances chez YouTube. De son côté, TikTok a annoncé que les vidéos vont pouvoir désormais durer jusqu'à 10 minutes... Et aussi... Twitter se lance sur Tor pour contourner la censure russe. Réseau informatique proche de Firefox, Tor permet de cacher la localisation et l'activité d'un utilisateur. Son logo, un oignon, fait référence aux différentes couches du légume et symbolise les différentes couches pour protéger les données et l'anonymat d'un utilisateur sur le web. Outil pour contourner la censure, l'application est cependant controversée. En tant que porte d'entrée sur le dark web, elle ne jouit pas d'une très bonne réputation. Cela n'a pas empêché les réseaux sociaux puis les médias de se l'approprier. Facebook s'était déjà lancé sur Tor en 2014, suivi de la BBC en 2019 et du New York Times en 2017. | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | On l'avait raté. Voici un sympathique album illustré du New York Times à scroller sur les bienfaits climatiques de la tourbe (une matière organique fossile, composée de débris végétaux). Cette substance brune qui se cache dans les marais et les terreaux pourrait bien être « le plus grand champion de la nature contre le changement climatique ». Bien qu'elles ne représentent que 3 % des terres de la planète, elles stockent deux fois plus de carbone que toutes les forêts du monde réunies. Une infographie web très accessible et amusante sur un sujet très sérieux, avec en prime un court questionnaire à la fin. Les journalistes invitent les lecteurs à réagir sur la tourbe, promettant de faire appel « aux personnes les plus compétentes » qu'ils connaissent « en matière de tourbières, de zones humides et de changement climatique ». | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | C'est LA série qui a révélé Volodymyr Zelensky. Dans la satire télévisée ukrainienne, Serviteur du peuple, l'acteur-président ukrainien joue le rôle d'un prof d'histoire ordinaire, fan de Plutarque, devenu contre toute attente président de l'Ukraine. Cette sitcom télévisée, qui a débuté en 2015, préparera Zelensky à être élu président de l'Ukraine dans la vraie vie. Depuis l'invasion russe, la série a été reprise pour être diffusée dans plusieurs pays. Arte propose ainsi les épisodes sur sa plateforme. Comme le partage le New York Times, regarder aujourd'hui cette série, « c'est faire l'expérience, comme Holoborodko, le personnage joué par Volodymyr Zelensky, d'un effrayant sentiment de double vision. Là, sur un écran, M. Zelensky affronte la perspective d'un assassinat pour rire. Et là, dans les journaux télévisés, sur les écrans devant les dirigeants du monde entier et dans ses vidéos faites à la main depuis Kiev, déchirée par la guerre, on voit le vrai homme dans la vraie vie, face à la vraie mort. » Une série perspicace, à l'humour acide. |
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