Anna Freud, fille mal aimée de Sigmund (qu’elle admirait malgré tout éperdument), psychanalyste, a vécu en couple avec une femme pendant des décennies, et s’est affichée avec elle en public. Tout en réfutant sa propre homosexualité. Et en cherchant à convaincre ses patients homosexuels de renoncer à leur homosexualité. Il faut dire qu’en cette époque où naissait la psychanalyse, ses fondateurs interdisaient aux personnes homosexuelles de devenir psychanalystes. Ce qui ne l’a pas empêchée d’écouter les enfants avec attention et amour. Un labyrinthe de refoulements et d’émergences. Montrer et ne pas dire, faire émerger et refouler. On peut penser à tout cela à travers un roman consacré à Anna Freud, et dont l’autrice s’exprime dans cette édition de QWERTZ. Evidemment, c’était il y a longtemps. Ces gens étaient nés au XIXè siècle. Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, quand on pense à l’archicélèbre Petit Chaperon rouge, on admet généralement sans même y penser que le danger vient d’un loup : un avatar du pédophile et du tueur en série. Un étranger séduisant, un pas-comme-nous, vivant dans la sauvagerie de la forêt. Et si cette lecture était la manifestation… d’un bon gros refoulement ? Peut-être que ce que disent Perrault et les frères Grimm, c’est que le danger vient d’un membre de la famille, au cœur de la maison bien fermée par une chevillette. Que c’est là, dans la chaleur du foyer, que des mères-grands et des pères-grands prédateurs se repaissent de la chair des enfants… On réfléchit à tout cela à travers un essai pop et punky, dont l’autrice affirme qu’il faut écouter les enfants avec attention et amour. Tirez la bobinette : voici QWERTZ ! Bonnes lectures et bonnes écoutes!
déchirant
Freud filiale
Isabelle Pandazopoulos, Les sept maisons d'Anna Freud, ed. Actes Sud Dans la famille Freud, nous demandons la fille, Anna, benjamine et "vilain petit canard" d’une fratrie de six. Dans une écriture suivant la piste des souvenirs, Isabelle Pandazopoulos conte le parcours tortueux de cette femme insoumise, vouant une admiration sans limites et un amour exclusif au père dont elle recherche, en permanence, la reconnaissance et l'approbation. Par Catherine Fattebert
Lucile Novat,De grandes dents, ed. Zones Dans l’histoire du Petit Chaperon rouge, l’animal le plus dangereux n’est peut-être pas celui que vous croyez. En relisant le conte de Perrault et des frères Grimm, Lucile Novat démontre que les prédateurs sont plus volontiers à domicile qu’au fond des bois. Par Francesco Biamonte
Maxime Chattam,Prime Time, ed. Albin Michel Roi du thriller hexagonal, Maxime Chattam imagine la prise d’otage d’un présentateur vedette du journal de 20 heures, vue en direct par des millions de téléspectateurs. Si l’image est coupée, l’homme sera exécuté. Un suspense intense, porté par le regard de la France entière. Par Philippe Congiusti
Après une dizaine de romans, l'autrice française Delphine de Vigan publie sa toute première pièce de théâtre. Texte à la fois drôle et mélancolique, Les figurants transpose un plateau de cinéma sur une scène de théâtre, tout en éclairant celles et ceux qui se fondent habituellement dans le décor.
Propos recueillis par Lilia Hassaine Adaptation web: Sarah Clément
Karine Dijoud, Miscellanées. L’élégance de la langue française, ed. Le Robert, 192 p.
Des fautes de français qui écorchent autant les yeux que les oreilles, à l’instar d’un «jeu ludique», d’un «disperser çà et là», ou autres barbarismes et tics, vous n’en trouverez pas dans cet ouvrage d’une amoureuse de la langue de Molière. Karine Dijoud nous encourage à nous amuser avec les mots oubliés, adjectifs ou verbes, à les intégrer à notre vocabulaire quotidien. Ainsi obombrer côtoie lantiponner, pétrichor fait le pendant de solastalgie, et on comprend enfin ce qu’est un nycthémère. Et si un fâcheux vous traite de pédant, vous lui renverrez qu’il n’est qu’un orchidoclaste. C’est quand même plus joli qu’un casse-couille, non? CF
ROMAN
Daniel Pennac, Mon Assassin, ed. Gallimard, 158 p.
Mieux vaut avoir révisé son Pennac avant de s’atteler à la lecture de cette savoureuse friandise dans laquelle l’auteur des neuf volumes de la saga Malaussène dévoile ses secrets de cuisine. Un enfant voyage seul en train. Ses parents le récupéreront gare de l’Est, à Paris. De là, Daniel Pennac déroule une délirante histoire qu’il ne cesse d’interrompre pour interroger son récit et se confesser. Il rend hommage à ses amis morts (mais toujours vivants dans sa bibliothèque) qui ont inspiré les héros de sa tribu. L'occasion de dérouler en parallèle l’énigmatique projet de celui qui deviendra Pépère. Magistral et succulent. PC
roman
Sally Rooney, Intermezzo, ed. Gallimard, 464 p.
Ivan et Peter sont frères, mais leur différence d’âge et leurs tempéraments contrastés ont affaibli leur relation. La mort de leur père les oblige à renouer. Le premier est partagé entre deux femmes. Le second, champion d’échecs, vit sa première histoire d’amour - elle a dix ans de plus que lui. Sally Rooney, peut-être la romancière la plus addictive de sa génération, prouve dans son 4ème roman que les grandes actions ne font pas les grands personnages - sur le grand échiquier de la vie, ce sont les émotions qui gouvernent notre destin. SK
ATLAS
Nicolas Nova & Disnovation.org, Bestiaire de l’anthropocène, ed. Art&Fiction, 264 p.
Bestiaires, herbiers et lapidaires jetaient autrefois un pont entre un monde encore inexploré et un imaginaire drolatique. Fini le Moyen-Âge. En 2024, homo sapiens a hacké une bonne partie de la planète. Alors que se passe-t-il lorsque les technologies sont si omniprésentes, que le «naturel» devient indéfinissable? Dans cette traduction du carnet d’observations imaginé par Disnovation.org et préfacée par l’anthropologue et chercheur Nicolas Nova, Bestiaire de l’anthropocène propose une navigation de ce nouveau monde. Chiens robots, arbres antennes ou aigles chasseurs de drones trouvent idéalement leur place dans cet ouvrage illustré magnifiquement à l’encre argentée sur papier noir. Fascinant. EI
stupéfiant
15 ans et tous ses dons
Préfacé par l'auteur de polars et procureur de Neuchâtel Nicolas Feuz, Le fils de l'écrivain brisé traite du harcèlement scolaire et des secrets de famille. Son autrice Camille Hofmann, quinze ans et née à Salvan (VS), y a glissé également quelques références à l’Ordre du Temple solaire. Propos recueillis par Valentin Emery et Coralie Claude Adaptation web: Melissa Härtel
Monique Saint-Hélier, des draps de plume Née à la Chaux-de-Fonds à la fin du 19e siècle, Monique Saint-Hélier (1895-1955) a connu la renommée dans les années 1930, avant de subir une longue éclipse. Redécouverte dans les années 80, l’écriture fiévreuse de celle qui vécut longtemps alitée ne cesse depuis lors de gagner de nouveaux publics. En témoignent de nombreuses rééditions et publications inédites, dont une correspondance avec l’historien Jean Rodolphe de Salis, publiée ces jours par les éditions de l’Aire (Ce qui n’est qu’à nous deux, Correspondance 1923-1954 ). Artisan de cette publication, Stéphane Pétermann est aussi le co-commissaire d’une nouvelle exposition consacrée à l’autrice, à découvrir à la BCU de la Riponne à Lausanne jusqu’au 19 avril 2025, "Monique Saint-Hélier - une écriture en étoile". Les deux commissaires de l’exposition, Stéphane Pétermann et Alexandra Weber Berney sont les invités de Nicolas Julliard. Carte blanche: Lorraine van Nijen Quartier Livre, RTS La Première, di 1er décembre à 16h
Au terme d’une année de lecture intense et à l’issue de cinq séances de délibération, le jury du Prix du Public RTS a jeté son dévolu sur quatre livres: Agnus Dei de Julien Sansonnens, Ce qu’il reste de tout ça de Fanny Desarzens, Au coeur de la bête de Lorrain Voisard, et Mon Dieu faites que je gagne de Sonia Baechler. Le lauréat, Lorrain Voisard, a été dévoilé dimanche dernier dans Quartier Livre, au cours d’une émission spéciale en direct du Nouveau Monde de Fribourg. Animation: Nicolas Julliard et Ellen Ichters Quartier Livre, RTS La Première, di 24 novembre
Dix-neuf artisanes de Suisse romande ont ouvert au photographe Vincent Guignet et à l’écrivain Blaise Hofmann les portes de leurs ateliers ou de leurs chantiers, palpitants de sons, d’odeurs et d’histoires. Artisanes est un livre (ed. Noir sur Blanc) et une exposition, à découvrir à la Fondation Michalski jusqu'au 5 janvier 2025. Un projet complété par une lecture musicale de Blaise Hofmann et Stéphane Blok. Montricher, Fondation Michalski, vendredi 6 décembre, 19h