On connaĂźt sa voix douce et apaisante, ses essais fĂ©ministes forts et percutants, son engagement farouche et exaltant, mais connaĂźt-on vraiment Lauren Bastide ? InvitĂ©e par Isabelle Sorente Ă rejoindre la collection Bestial, sĂ©rie dâautoportraits dĂ©calĂ©s dâauteurs et de leurs animaux fĂ©tiches, Lauren Bastide nous offre Courir lâescargot. Avec ce texte hybride et intime, la journaliste et essayiste confirme son statut dâĂ©crivaine et se livre comme jamais, nous invitant, avec sincĂ©ritĂ© mais non sans humour, Ă suivre son cheminement, cette « traĂźnĂ©e » lumineuse laissĂ©e par « la bave pailletĂ©e » de son talent. Rencontre. ââ Autoportrait : lâenjeu du je « Avec Courir lâescargot, jâai vraiment lâimpression de tomber complĂštement le masque. Câest quelque chose que jâai fait de façon un peu timide dans mes essais, mais lĂ jây suis allĂ©e gaiement, sans habiller le propos de justifications politiques, mais en Ă©tant dans un exercice purement littĂ©raire. Et ça a Ă©tĂ© trĂšs libĂ©rateur ! Jâai une affection, un amour pour ce texte comme je nâai jamais eu pour aucun des textes que jâai Ă©crits. Il a Ă©tĂ© extrĂȘmement thĂ©rapeutique pour moi et a vraiment changĂ© ma vie. » Prise de confiance « Quand on est journaliste, on sait Ă quoi on sert, on est dans un cadre qui permet Ă tout le monde de nous Ă©tiqueter plus ou moins correctement. Quand on met un pied dans la littĂ©rature, les frontiĂšres sont plus floues. On peut tout devenir. Et la qualification dâĂ©crivaine me posait un problĂšme de lĂ©gitimitĂ© car pour moi, lâĂ©crivaine est une artiste, ce que nâest pas la journaliste. Mais justement, avec Courir lâescargot, je me lance enfin dans une dĂ©marche purement littĂ©raire. Câest une recherche sur la forme, un questionnement sur lâĂ©criture. Il y a un petit cĂŽtĂ© cadavre exquis, avec des associations dâidĂ©es que jâai laissĂ©es complĂštement filer, ce qui a donnĂ© cette forme hybride. Et je pense que cela montre une forme de maturitĂ©, dâacceptation de moi-mĂȘme, de mon identitĂ© qui est bien plus complexe que ce que jâai pu montrer jusque-lĂ . » SororitĂ©s de pensĂ©es « Il y a une autrice qui mâa beaucoup influencĂ©e et que je cite abondamment dans le livre : câest Maggie Nelson. Elle a Ă©crit des essais philosophiques, des enquĂȘtes presque journalistiques, parfois de lâautofiction pure et dans Les Argonautes, elle entrecroise les deux dâune façon magistrale. Elle a vraiment rĂ©inventĂ© les codes de la littĂ©rature, et câest trĂšs humblement que je cherche Ă mâintĂ©grer dans cette lignĂ©e. Et il faut Ă©videmment parler dâIsabelle Sorente. Pour moi câest la sorciĂšre par excellence. Elle a quelque chose de lâordre de la maĂŻeutique magique qui nous autorise Ă nous livrer sans fards. Et le fait quâelle mâadoube en mâautorisant Ă mâinscrire dans cette collection, dans la lignĂ©e de Wendy Delorme, qui est une autrice que jâadore, mâa aussi beaucoup aidĂ©e. » |