Reprendre le contrôle de la finance : un défi collectif
C’est un plaisir de pouvoir partager le nouveau rapport pédagogique du Secours catholique, membre de Finance Watch, pour soutenir notre objectif de remettre la finance au service de la société.
Pédagogie, appropriation par la société civile, mobilisation. Sur chacun de ces plans, le rapport paru la semaine dernière (et la campagne citoyenne qui l’accompagne) fera école : la finance n’est plus cette chose compliquée et inaccessible. Nous sommes fiers d’avoir contribué à ce jalon important.
C’est pour nous un grand succès de voir qu’une organisation de la société civile non-spécialiste en finance (et d’ailleurs un des membres fondateurs de Finance Watch) rejoint activement le combat pour une régulation financière ambitieuse. Une avancée plus que bienvenue, alors que, #10ansAprès la crise, la pression dérégulatrice s’accentue.
Si même le Pape François a reçu un exemplaire du rapport de la part de Véronique Fayet, la Présidente du Secours catholique, vous devriez le lire aussi !
De la tragédie à la mascarade : quand l’histoire se répète
La nervosité gagne chez le régulateur financier alors que de plus en plus de banques, surtout dans l'Europe du Sud, vacillent sous le poids des créances douteuses (les Non-Performing Loans, NPLs, en anglais, dont le total avoisine le trillion d’euros pour l’Europe).
La Commission Européenne a donc annoncé un plan d’action pour endiguer le phénomène, mais des pans entiers du dispositif ignorent certaines leçons clés de la crise financière de 2008 :
L’idée de mettre en place des “banques-poubelles” nationales pour permettre aux banques de se débarrasser de leurs prêts non performants risque de permettre à nouveau le maintien à flot d’institutions mal gérées avec l’argent du contribuable.
Le fait de favoriser la revente de ces actifs sous la forme de titrisations opaques et complexes pourrait dissimuler la faible qualité de ces prêts et à nouveau répandre le risque au système entier.
Comme le dit Christian Stiefmüller, senior expert de Finance Watch : « Remplacez le terme 'douteux' par celui de 'subprime' et vous êtes à nouveau confrontés au jeu du mistigri (le perdant est celui qui conserve la mauvaise carte à la fin de la partie) qui a causé le dernier cataclysme sur les marchés financiers » (lire l'article complet dans Les Echos « Créances douteuses : Finance Watch dénonce une Europe trop timorée »)
En ajoutant à ce problème les récentes inquiétudes concernant l'endettement croissant et de vives tensions sur les marchés financiers, il est encore plus surprenant que la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen ait décidé la semaine dernière d'affaiblir les nouvelles règles sur le capital des banques et la façon de gérer les faillites bancaires.
Premières victimes de ces nouveaux reculs : les règles conçues pour éviter aux contribuables de payer pour les futurs renflouements bancaires. Le nouveau régime de sauvetage de l'UE censé déterminer quel type de créancier (investisseur, fournisseur, client) paiera combien et dans quel ordre deviendrait inapplicable dans de nombreux cas.
Autres cibles, les nouvelles règles sur le montant de capital qu'une banque doit détenir et sur l'effet de levier qu'une banque peut avoir, qui ont été réduites au minimum strict pour prétendre à la conformité avec la norme internationale (Bâle III). A vrai dire, elles ont été affaiblies à chaque occasion possible.
C'est triste à dire, mais le texte final porte toutes les stigmates de deux années d’un lobbying acharné du secteur bancaire. Chaque fois qu'un équilibre aurait dû être trouvé entre stabilité financière et intérêts commerciaux du secteur bancaire, la stabilité financière est passée au second plan.
Bonne nouvelle : il y a deux semaines, Mireille Martini, senior experte de Finance Watch, a été nommée membre du groupe d'experts techniques sur la finance durable. Ce groupe d’expert aidera la Commission européenne à déterminer quelles activités économiques sont vraiment vertes et définir une norme européenne pour les obligations vertes, entre autres. Les travaux du groupe débuteront début juillet 2018 et se termineront vers le milieu ou la fin de 2019.
Dans une lettre ouverte publiée dans le Financial Times le 5 juin 2018, 50 ONG, dont Finance Watch, ont demandé aux banques centrales de montrer l'exemple en matière de reporting des risques climatiques. Étant donné que les banques centrales ont elles-mêmes constitué des portefeuilles de titres de sociétés très axés sur les secteurs à forte intensité en carbone, les banques centrales ont un rôle particulier à jouer.
Nous avons besoin de vous pour changer la finance!
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