La lettre des pouvoirs de L’Express, 13 février 2025 | |
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le Parti pris | Bruno Retailleau, comment devenir grand | |  par Laureline Dupont Directrice adjointe de la rédaction, chargée du service politique Candidat. Il pourrait être candidat… en Algérie. Il sourit: on lui a fait remonter ces dernières semaines les innombrables Unes des journaux sur lesquelles figure le ministre de l’Intérieur, depuis qu’il multiplie les bras de fer avec Alger. A star is born. Et le premier surpris s’appelle Bruno Retailleau, ex-mister Nobody lors de la compétition de 2022 pour la présidence de LR - il avait néanmoins atteint le second tour, s’inclinant face à Eric Ciotti. Il ne s’attendait pas à devenir le phénomène d’opinion principal de l’après-dissolution, il veut éviter toute griserie mais “l’adhésion soudaine”, selon son expression, ne peut échapper à l’homme le mieux informé de France. La notoriété peut être un piège. Lundi, le député de la Loire Antoine Vermorel, qui l’avait déjà soutenu il y a cinq ans, reçoit 4 SMS l’invitant à se mobiliser pour le meeting que Laurent Wauquiez doit tenir jeudi dans sa région, à Valence. Voilà qui sent fort l’annonce de candidature. Il alerte aussitôt la place Beauvau, les proches de Bruno Retailleau veulent dégainer en premier. Un ministre de l’Intérieur peut s’inviter au journal de 20 heures quand il veut, mais est-ce le lieu propice pour dévoiler ses ambitions pour la conquête de LR? Après réflexion, l’ancien sénateur décide d’être “militant parmi les militants”: c’est par un courrier interne envoyé aux militants qu’il se déclare, mercredi matin. Longtemps, dans l’équipe de Bruno Retailleau, on a murmuré qu’un obstacle insurmontable se dresserait sur sa route vers sa propre ambition : son physique. Bruno Retailleau est menu, très, et ce n’est pas son frugal régime alimentaire (poisson blanc, sans sauce, ou foie de veau) qui lui permettrait de s’arrondir. Or l’épaisseur qu’on exige ou qu’on espère d’un homme d’Etat ne peut être qu’intellectuelle. Il faut, à la télévision, remplir le cadre. En meeting, occuper la scène, en duel télévisé, terrasser l’adversaire… Quand on se présente, de plus, comme un homme de droite prônant l’enracinement, apparaître un peu lourd, lesté, appuie le message. Peut-on gaver quelqu’un contre son gré ? Difficile.
Mais il se passe, depuis son arrivée place Beauvau, un phénomène étrange. Découvrant le ministre sur les images de Mayotte, ses conseillers, restés en métropole, se sont exclamés : “Il a encore maigri !” Puis, galvanisés : “Mais ce n’est plus un sujet.” L’Intérieur a rassasié leur patron. Le poids et la densité du costume de premier flic de France ont doté Bruno Retailleau de quantité de responsabilités qui rendent anecdotique, presque insignifiante sa minceur. L’habit fait le moine. A tel point que depuis son installation au ministère de l’Intérieur, Bruno Retailleau se prend pour Nicolas Sarkozy. Hier, il jugeait l’ancien président disons… trivial. Souvenir d’un échange vieux de près de 10 ans où il n’avait pas été question d’Hannah Arendt. Que peut avoir en commun celui qui décide d’être accompagné dans chacun de ses bureaux par les portraits de Georges Clemenceau et de Jean de Lattre de Tassigny et celui qui a choisi de parsemer couloirs et pièces de son antre rue de Miromesnil de clichés de Carla Bruni alanguie ? Aujourd’hui, une trajectoire. A peine installé place Beauvau, Bruno Retailleau prend soin de réclamer et d’écouter - ce qui change d’Emmanuel Macron - les avis de son prédécesseur, aussi turbulent que lui paraît austère. Très vite, l’ancien président, qui s’est toujours méfié de Laurent Wauquiez, lui conseille de se présenter à la présidence des Républicains. Sur ce point, la philosophie sarkozienne est catégorique : toujours prendre ce qu’il y a à prendre. On ne vise pas une élection présidentielle en laissant passer les chances de renforcer son pouvoir avant le scrutin. Retailleau a beau répéter, en riant à peine, “je suis devenu sarkozyste”, il réplique à deux de ses amis qui le questionnent durant l’hiver et à quelques semaines d’intervalle sur son ambition présidentielle : “Je n’ai pas le virus.” Peut-on faire plus antisarkozien ? Mais il a en commun avec l’Ex, un entourage solide, loyal et stratège qui entend bien le contaminer. Pendant des semaines, pendant des mois, les membres de son cabinet l’ont aiguillonné, tourmenté, afin de le persuader que cette élection à la tête de LR pouvait être la deuxième marche de son ascension. Le déclic ? Certains, à droite, jurent qu’il s’appelle Laurent Wauquiez. Son comportement durant les nominations des gouvernements successifs, sa façon de vouloir tenir à l’écart Retailleau ont nourri chez ce dernier des passions tristes. La droiture morale peut toujours se transformer en rancune. Libre, disait Nicolas Sarkozy dans son ascension vers le sommet. Un ministre de l’Intérieur n’est pas libre, et Bruno Retailleau encore moins que d’autres, membre d’un gouvernement hétérogène, prisonnier d’une configuration inextricable - il appelle cela “l'inconfort politique”. Pas libre de sa parole, en tout cas moins que Laurent Wauquiez. Pas complètement libre de son action, et c’est là un dilemme que doit résoudre en son for intérieur la figure montante de la droite. Tant qu’il peut montrer que “la droite qui arrive au pouvoir peut assumer son logiciel”, il ne sera pas rattrapé par la patrouille emmenée par son désormais adversaire. Mais qu’il s’éloigne des positions forcément simples que son parti a longtemps défendues dans l’opposition pour se confronter à la complexité du réel et ses difficultés seront exploitées et elles le seront d’autant plus qu’il est sous les feux des projecteurs. L'un de ses collègues de l’équipe Bayrou raconte: “Je l’ai vu arriver avec ses propos tonitruants sur les OQTF puis il a dû préparer le voyage d’Emmanuel Macron au Maroc et la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) lui a montré 600 cas individuels. Comment ne pas diluer ses convictions tout en gérant les affaires de l’Etat?” C’est une question que Laurent Wauquiez ne se posera pas.
Lui ne participera pas au vote et pour cause. Emmanuel Macron découvre depuis quelques mois son ministre de l’Intérieur, il est “habité", dit-il de lui - parole d’expert ? C’est tout le nouveau défi de Bruno Retailleau: ne pas se tromper d’adresse. | |
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Les retrouvailles Macron-Le Maire Emmanuel Macron n’est pas homme à cultiver l’amitié. Mais il lui arrive de surprendre son monde. Fin janvier, devant un ami, il s’enquiert : “Tu as des nouvelles de Bruno ?” Il entretient pourtant avec son ancien ministre de l’Economie, puisque c’est de lui qu’il s’agit, des relations complexes qui se sont refroidies au fil des quinquennats. Si les deux hommes s’étaient retrouvés à l’occasion d’un déjeuner collectif le jeudi 24 octobre dernier - un mois et demi avant l’audition de Bruno Le Maire par la commission d’enquête sur le déficit de l’Assemblée -, ils ne s’étaient pas revus depuis.
Alors, est-ce la parution dans Le Figaro le 31 janvier des courriers “secrets” de Bruno Le Maire à destination de l’Elysée et Matignon pour alerter sur les risques de dérapage du déficit public qui a persuadé le président de recevoir de nouveau l’ex-locataire de Bercy ? Début février, ce dernier a donc été convié à l’Elysée pour un entretien en tête-à-tête avec le chef de l’Etat. Aux dires d’une de leurs connaissances communes, Emmanuel Macron a “adoré” leur discussion, Bruno Le Maire “lui ayant sans doute asséné que le bilan est bon et que l’actif du quinquennat c’est la compétitivité”. | > Retrouvez les indiscrets de L'Express |
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