Samedi 24 mai 2025

En toute liberté

Chaque samedi, l'actualité vue par le rédacteur en chef

Frédéric Lelièvre
CEO et rédacteur en chef de L’Agefi

La banque (étrangère) du futur

Les conditions cadre se détériorent en Suisse. Le cas de BNP Paribas fait réfléchir.

Implantée à Genève depuis 1872 – un ancrage historique qu’elle aime rappeler –, la filiale suisse de BNP Paribas vient d’opérer une double transformation. Non seulement elle est devenue une simple succursale du groupe basé à Paris, mais elle fonctionne à présent sous l’autorité de Zurich, l’autre succursale à laquelle est désormais aussi rattaché le bureau de Lugano. 

Ces changements peuvent paraître purement techniques; il n’est d’ailleurs pas certain qu’au quotidien les clients s’en rendent compte. Cependant, il s’agit d’un basculement stratégique vers la Suisse alémanique et du renoncement à un nom, BNP Paribas (Suisse) S.A.. Cette personnalité juridique propre paraissait pourtant il y a peu comme un atout indispensable à qui souhaite séduire une exigeante clientèle dans la gestion de fortune. Dans les chiffres rouges depuis plusieurs années, la société anonyme ne reflétait néanmoins pas toute la réalité économique des activités helvétiques du groupe français, comme nous le confiait récemment sa responsable en Suisse, Enna Pariset. La nouvelle structure, qui hélas ne publiera plus de chiffres détaillés, gagnera peut-être en simplicité et rentabilité. 

Fin connaisseur de la place financière, Carlo Lombardini qualifie de «très intelligent» le passage au statut de succursale. L’avocat le juge même «précurseur». Tout le monde n’est pas de son avis, mais il est vrai que maintenir une structure à l’étranger coûte toujours plus cher, à plus forte raison ici. En novembre dernier, le directeur de l’Association des banques étrangères en Suisse, Raoul Würgler, s’inquiétait dans nos colonnes de l’application plus stricte de la réglementation Bâle III, qui pénalise le financement du négoce de matières premières. Une activité dans laquelle BNP Paribas fut à une époque, rappelons-le, un acteur clé. 

Voici donc à quoi ressemble la banque étrangère du futur? L’an dernier, la vente des activités de gestion de fortune de Société Générale à l’Union Bancaire Privée (UBP) avait fait grand bruit. La grande banque française, un temps incontournable à Genève, s’est depuis recentrée sur Zurich, un pôle économique décidément irrésistible. 

D’autres établissements de l’Hexagone prennent toutefois une autre route qui semble leur réussir. C’est le cas, à Genève, d’Indosuez Wealth Management (Suisse) et, à Bâle, de CIC (Suisse), dont la rentabilité progresse et qui comptent sur la taille de leurs maisons-mères respectives (Crédit Agricole et Crédit Mutuel) pour reprendre une partie de la place occupée par feu Credit Suisse. Toutes les options restent donc ouvertes. 

 

Si l’avenir des banques en général vous intéresse, je ne peux que vous recommander notre opération spéciale consacrée aux stablecoins. Ces monnaies numériques essentiellement adossées au dollar pourraient rebattre les cartes de la finance. En facilitant les échanges monétaires, Tether et autres USDC remettent en cause une partie du rôle d’intermédiation des banques. Bien sûr, de sérieuses questions liées au risque de blanchiment d’argent ou de conduite de la politique monétaire se posent. Mais la Suisse ne peut se permettre de passer à côté de cette innovation financière, comme le souligne Sophie Marenne dans son éditorial. Sauf à prendre le risque de se faire dépasser par les autres places financières – à l’image de l’horlogerie, qui a manqué le train de la montre connectée. 

 

Terminons par un chiffre et une surprise. Le premier, un milliard de francs. Voilà le montant que nous estimons que le Forum économique mondial (WEF) a rapporté à la Suisse au cours des 20 dernières années. Probablement sous-évaluée, cette somme montre l’importance du choix de la personnalité qui remplacera Klaus Schwab, le fondateur et l’âme du Forum pendant 50 ans, renvoyé sèchement le mois dernier. 

 

La surprise, elle, est venue hier de Fribourg. Jacques Mauron a démissionné avec effet immédiat de la direction du Groupe E. Son départ suit de peu celui de Christian Petit chez Romande Energie. Mon collègue Christian Affolter estime que ces changements sont «les premiers effets visibles» des nouvelles priorités des énergéticiens après des années de forte croissance. 

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«En toute liberté » reviendra le 7 juin.