La lettre politique de L’Express, 5 septembre 2024 | |
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le Parti pris | Barnier à Matignon: Macron piégé par lui-même | | par Paul Chaulet Journaliste politique @chaulet_paul Un échange informel parmi tant d’autres. En ce mois d’août, Emmanuel Macron sonde un interlocuteur régulier sur le choix du Premier ministre. "Un politique ou un technicien ?", interroge le chef de l’Etat. L’interrogation laisse coi son visiteur. Un politique, quelle question ! L’échec d’un technicien est celui de son créateur. Un politique échoue seul, comme un soldat tombe à la guerre. Emmanuel Macron, affaibli par sa déroute aux législatives, doit se pro-té-ger. Oui, mais non. Le président songe un temps à une figure de la société civile pour Matignon, comme le président du Cese Thierry Beaudet. Se protéger, pourquoi ? N’est-ce pas la première pierre de l’effacement ? Et l’homme n’est pas du genre à s’effacer. Tant de ballons d’essai ou de négociations avortées n’ont pas été vains. Emmanuel Macron s’est résolu ce jeudi à nommer Michel Barnier à Matignon. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Il a davantage choisi l’ancien Commissaire européen que le candidat malheureux à la primaire LR pour l’élection présidentielle de 2022. Un intime d’Emmanuel Macron s’étonne toujours de ce curieux chef de l'Etat, incapable "d’envisager une réalité qui ne dépende pas de lui". Le choix Barnier illustre cette psychologie. Celle d’un président hostile à toute cohabitation, tant les orientations idéologiques des deux hommes sont jumelles. Celle d’un homme posant un regard paternaliste sur l’Assemblée, s’assurant que "l'heureux élu" ne sera pas censuré une fois monté à la tribune de l’hémicycle. Rester au cœur du réacteur, quitte à s’exposer. L’influence peut avoir la forme d’un nœud coulant. Retour au 26 août. Au terme d’une série de consultations, Emmanuel Macron annonce qu’il ne nommera pas la représentante du Nouveau Front populaire (NFP) Lucie Castets à Matignon. Le président a en horreur son programme radical mais invoque la "censure immédiate" que la haute fonctionnaire subirait dans l’hémicycle. Il s’assigne alors l’obligation de choisir un Premier ministre "non censurable" par l’Assemblée nationale. Cette règle, inscrite nulle part dans la Constitution, sert son intérêt politique. Mais l’oblige pour l’avenir, et lui lie les mains. Ainsi le chef de l’Etat se retrouve à la merci de censures virtuelles prononcées sur les chaînes d’information en continu. BFMTV, nouveau juge de paix institutionnel. Adieu, Xavier Bertrand envoyé au bûcher par Marine Le Pen. Désolé Thierry Beaudet, mais votre nom ne suscite guère d’enthousiasme. La quête présidentielle prend des allures de chemin de croix. Chaque jour qui passe érige le chef de l’Etat en responsable du chaos. Dans l’ex-majorité, certains le pressent de responsabiliser le Parlement pour détourner le viseur. Si les députés censurent un Premier ministre, qu’ils l’expliquent aux Français ! "Il se met une pression particulière, mais va devoir passer la balle au Parlement, confie alors un ministre. Or comme il a posé en préalable à toute nomination la non-censure, il est dur de changer de braquet." Un proche s’émeut, lui, d’une "erreur d’aiguillage" initiale - "vouloir composer des censures non virtuelles" - désormais irrattrapable. Dernier écueil : en cherchant un Premier ministre tolérable pour le Rassemblement national, le président subit un procès en collusion avec l’extrême droite. Se défausser sur l’Assemblée, pour éviter les balles. L’analyse a la force de l’évidence. Elle n’est qu’une traduction imparfaite du piège dans lequel se trouve Emmanuel Macron. Comme la dissolution est son œuvre, l’instabilité gouvernementale lui sera par essence reproché. Une Assemblée émiettée ne suffit pas à faire perdre à la France sa culture présidentielle. Ici, aucune culture des chutes de gouvernements successifs. Tout remonte au chef, la césure entre Elysée et Parlement n’existe pas. "Si Macron nomme une personne censurée le lendemain, on dira qu’il est irresponsable", note une ministre." Pile je perds, face tu gagnes. Un cercle vicieux se dessine : plus le président met du temps à trouver la perle rare pour Matignon - celui ou celle qui ne serait pas renversé à l'Assemblée -, plus il dramatise la censure. Si celle-ci survient, il en est la première victime. Opposant farouche au chef de l’Etat, Bruno Retailleau résume l’insoluble équation présidentielle. "S’il lui arrivait de nommer un Premier ministre qui serait immédiatement censuré, Emmanuel Macron serait le fusible." Quand Michel Barnier prononcera sa déclaration de politique générale (DPG), il n’engagera pas que son simple avenir personnel. La Ve marche sur la tête, CQFD. [La France a un nouveau Premier ministre, et la newsletter politique de L'Express un nouveau visage. Elle s'appelle Pouvoirs, traitera de tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, exercent des responsabilités publiques. Vous la retrouverez chaque jeudi, à 18 heures. Bonne lecture!] | |
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Macron-Cazeneuve : la mauvaise éducation Bernard Cazeneuve est un homme bien élevé. Même ministre de l’Intérieur, même Premier ministre, il a toujours accordé de l'importance à la ponctualité. Ce n’est un secret pour personne, le président de la République, lui, accumule les retards dont certains ont marqué les esprits. Ainsi, lors des commémorations du D-day, Emmanuel Macron a-t-il rejoint la cérémonie de Ver-sur-Mer quinze minutes après l’horaire annoncé, faisant patienter vétérans et officiels, dont le roi Charles, sous un soleil de plomb. Lundi 2 septembre, Bernard Cazeneuve était attendu par Emmanuel Macron à 8h45 à l’Elysée et l’ancien Premier ministre comptait sans doute sur l’heure matinale de rendez-vous pour ne pas avoir à subir, comme chez le médecin, l’attente engendrée par un précédent rendez-vous qui déborde ou s’éternise. Mais le chef de l’Etat sait surprendre son monde. C’est avec 25 minutes de retard qu’il a rejoint le Normand, qu’il n’a reçu qu’une fois à l’Elysée depuis 2017. Moment singulier, discourtoisie ordinaire. | > Retrouvez les indiscrets politiques de L'Express | |
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