Diantre, que se passe-t-il ? Me voilà obligée de reconnaître que Michel Houellebecq avait vu juste. Souvenez-vous, lors de son passage lunaire sur le plateau de l’émission « Quotidien » en mai, l’écrivain en chemisette avait balbutié qu’il ne croyait plus qu’en une seule chose : l’amour. La rentrée littéraire, qui a pris son envol le 17 août, lui donne raison. L’amour est partout. L’amour, encore et toujours. Les romanciers ne semblent plus avoir foi qu’en lui. Alors qu’autour de nous, tout est chaos, dans les livres, tout est câlin. Enfin, n’exagérons rien. Les vitrines des librairies n’ont pas été intégralement repeintes en rose bonbon. On n’est pas à Barbieland, on sait se tenir.
Mais tout de même. Parmi les bonnes feuilles de l’automne, il est beaucoup question de sentiments, de couples qui s’aiment et se déchirent parfois, mais pas toujours. Prenez l’un de nos coups de cœur : « L’Amour » (Verticales) - quand on vous dit qu’on ne parle que de ça ! - de François Bégaudeau. On suit sur cinquante années le mariage presque sans histoires de Jeanne et Jacques Moreau, une femme et un homme de la petite classe moyenne qui se rencontrent dans les années 1970 et traversent la vie dans un compagnonnage harmonieux. C’est aussi simple que ça. Et c’est absolument bouleversant.
Face à cette modalité de l’amour vintage et longue durée, Maria Pourchet, dont « Western » (Stock) était l’un des romans les plus attendus de la rentrée, propose une relation aux antipodes, minée par la désillusion, les ravages de la passion et par les conséquences radioactives de #MeToo, cette bombe à fragmentation qui a fait exploser le modèle du couple hétérosexuel gangrené par la domination masculine. Comme François Bégaudeau et Maria Pourchet parlent aussi bien qu’ils écrivent, nous les avons fait dialoguer dans « L’Obs », en kiosque cette semaine, pour discuter… d’amour, bien sûr.
On aurait aussi pu convier Chloé Delaume, qui s’interroge justement sur la possibilité d’aimer un homme quand on est une femme féministe dans son étincelant « Pauvre folle » (Seuil), Eric Reinhardt qui, dans son vertigineux « Sarah, Susanne et l’écrivain » (Gallimard), raconte comment une femme découvre le vrai visage de son époux, Eric Chacour pour son beau premier roman « Ce que je sais de toi » (Philippe Rey), sur l’amour impossible entre deux hommes dans l’Egypte des années 1980, Claire Berest qui autopsie la fin d’un couple dans « L’Epaisseur d’un cheveu » (Albin Michel)… Et tant d’autres. On laissera s’exprimer notre polyamour littéraire dans les prochains numéros de « L’Obs » et bien sûr, sur BibliObs. En attendant, aimez-vous les un·e·s les autres.
Elisabeth Philippe