Il n’y a pas que la Saint-Valentin en février, c’est aussi la période des Relâches … Si vous faites partie de ces inconditionnels du combo « chalet-ski », quels souvenirs gardez-vous de cette semaine de vacances ? Ceux du bleu du ciel, des descentes à toute vitesse en famille ou avec des ami·es, ou encore du gâteau/apéro d’après qui réconforte. Ou alors, plus sombres, des souvenirs liés aux sommets pelés, à la faune sauvage dérangée, aux hordes d’humains concentrés, avec cette question en arrière-fond: « Tout ça pour ça » ?
Les lectures et entretiens de cette semaine vous conforteront peut-être dans le fait que le verre peut être perçu comme à moitié vide ou à moitié plein. Le nouveau statut de mère de L, l’héroïne imaginée par Emmanuelle Tornero, déclenche chez elle des instincts de folie, doublés d’une vive acuité. Dans Flamboyant crépuscule d’une vieille conformiste, Dominique, une octogénaire bruxelloise fait le tri de ses souvenirs, aussi féroces que réjouissants. Quant au dernier essai de Jean Rouaud , consacré à la poésie, il rappelle cet étrange paradoxe: la poésie a beau être considérée comme la quintessence de la littérature, les poètes, eux, n’en vivent pas.
Ce sont ces contrastes, ces demi-teintes qui nous questionnent et font le sel de la vie. Et comme le dit si bien Christian Bobin, poète et auteur français: « Il faut que le noir s’accentue pour que la première étoile apparaisse. » Bonnes écoutes et bonnes lectures!
Envenimée
Grand-mère indigne
Emmanuelle Pirotte, "Flamboyant crépuscule d’une vieille conformiste", ed. Cherche Midi Lorsque Dominique, 81 ans, apprend qu’elle est atteinte d’Alzheimer, elle décide de mourir dans trois jours. « C’est le temps qu’il a fallu au Christ pour revenir d’entre les morts, ça me suffira bien pour faire mon petit ménage », dit-elle. Un sacré euphémisme pour cette veuve bourgeoise de Rixensart, quartier huppé du sud-est de la région bruxelloise, qui va lâcher les chiens d’un monologue intérieur sans concession, d’une lucidité cynique, mais pas nihiliste, dans une langue féroce et drôle. Par Ellen Ichters
Jean Rouaud, "Flamboiement de la métaphore", ed. Gallimard, coll. Blanche Une analyse alerte et brillante de la progressive marginalisation des poètes et de la poésie, proportionnelle à la prise de pouvoir inverse des valeurs bourgeoises et du réalisme. Cette réflexion est composée de textes brefs, en vers ou en prose dans une écriture vivante, rythmée, impliquée : une sorte d'art poétique qui interroge la tradition autant que l'aujourd'hui pour réaffirmer la nécessité du chant. Flamboiement de la métaphore est un éloge résolu de la poésie et du lyrisme. Par Salomé Kiner
Emmanuelle Tornero, "Une femme entre dans le champ", ed. Zoé Son nouveau statut de mère semble avoir déclenché chez L une lucidité extraordinaire ainsi qu'une profonde solitude. Elle oscille entre indifférence et fascination face à son enfant. Mais, plus largement, c'est une séparation d'avec le monde commun qui est à l’œuvre. Avec une maîtrise éblouissante du montage et de l'ellipse, de la suggestion et de la tension, Emmanuelle Tornero nous fait naviguer entre les jours de L, jours d'avant et d'après, jours intérieurs d'extérieurs, dans les champs, au bord des plages. Par Sarah Clément
Dans un "roman-quête" intitulé Comment j'ai retrouvé Xavier Dupont de Ligonnès, Romain Puértolas, écrivain et ancien capitaine de police, lie avec brio une rigoureuse investigation policière à une fiction aussi étonnante que jubilatoire. Propos recueillis par Anne Laure Gannac Adaptation web: Lara Donnet
Keum Suk Gendry-Kim, Mauvaises Herbes, d’après le témoignage d’une esclave sexuelle durant la Guerre du Pacifique, ed. Futuropolis, 488 p.
Comment raconter l’indicible ? Le viol et les violences faites aux femmes ? Leur exploitation dans des bordels de campagne durant la Guerre du Pacifique ? Dans « Mauvaises Herbes », Keum Suk Gendry-Kim, tisse, dans un noir et blanc ponctué de taches d’encre, l’histoire des « femmes de réconfort » coréennes, esclaves sexuelles des soldats japonais ou sino-coréens. Se basant sur une série d’entretiens réalisés auprès de Lee Oksun, une survivante, l’auteure nous livre un roman graphique aussi bouleversant qu’indispensable qui vient d’être réédité aux Editions Futuropolis. CF
roman SUéDOIS
Ia Genberg, Les détails, trad. Anna Postel, ed. Le bruit du monde, 192 p.
Traduit par Anna Postel, ce roman écrit par Ia Genberg a gagné en 2022 le Prix August, un prestige égal au Goncourt. Une femme est clouée au lit par la fièvre. Dans un délire, elle se souvient des moments forts de sa vingtaine. Et les détails d’un amour immuable et d’une amitié sauvage lui reviennent en mémoire. Avec des références littéraires réjouissantes, ce texte magistralement construit offre une plongée hypnotique dans l’aube des années 2000. LS
roman
Vincent Almendros, Sous la menace, ed. Minuit, 144 p.
Le temps d’un bref week-end, Quentin, 14 ans, accompagne sa mère et sa cousine Chloé dans la maison de campagne de ses grands-parents. L’adolescent en crise y éprouve les mutations à l'œuvre dans son rapport aux autres, au désir et à la violence qui s’exerce en sourdine dans cette famille marquée par la mort du père. A travers le regard de ce garçon désorienté, Vincent Almendros trousse un petit drame en cinq actes d’une subtilité remarquable, porté par une écriture qui creuse les ambiguïtés du langage et la précision des gestes pour cheminer au plus près des sensations de l’enfance. NJ
roman
Denis Michelis, Amour Fou, ed. Noir sur Blanc, Coll. Notabilia, 405 p.
Une morte au pied d’une falaise. La découverte macabre a lieu quand Barnabé retourne vivre au manoir familial. A peine sorti d’un séjour en institution psychiatrique, ce harceleur soupçonné mais innocenté d’un précédent meurtre similaire commis au même endroit est le coupable idéal. Denis Michelis orchestre un infernal Cluedo qui embrasse suspens, polar, drame familial, comédie noire. Outre Barnabé que tout accuse, une mère trop aimante, un père psychiatre pas net, des voisines bizarres, un ex-journaliste vedette trop gentil et un policier municipal amateur de polar tordu pourraient très bien avoir commis ce crime… si crime il y a eu ! Jouissif. PC
Fanny Meyer, déléguée à la politique du livre de la Municipalité de Lausanne, en charge de la 10e édition du Prix du livre de la Ville de Lausanne.
En quoi consiste ce Prix du livre de la ville de Lausanne ? Le Prix du livre de la Ville de Lausanne a pour vocation de promouvoir la littérature Suisse romande et de mettre en avant la riche production éditoriale de notre région. Le principe de ce prix est de proposer aux lectrices et lecteurs une sélection de cinq romans, écrits par des autrices et auteurs de Suisse romande. La particularité de ce prix est que le public choisit le roman lauréat. En effet, tout le monde est appelé à voter pour son livre favori et, afin d'encourager la lecture et les votes, plusieurs événements autour des livres ont été organisés (comme des rencontres avec les autrices et auteurs ou des clubs de lecture à Lausanne et ailleurs en Suisse romande). Comment avez-vous sélectionné ces cinq romans ? La sélection finale a été constituée par le service bibliothèque et archives de la Ville de Lausanne. Une dizaine de personnes participent à cette sélection afin de proposer au public cinq ouvrages de fiction. Les cinq romans de cette sélection 2024 sont représentatifs de la grande richesse et de la grande variété de la production littéraire actuelle et locale. Les styles d'écriture sont très différents d'un ouvrage à l'autre. Nous souhaitons aussi proposer des livres qui se veulent accessibles, dans le bon sens du terme, à un large public. Il n'y a pas besoin d'être initié ou expert en littérature suisse romande pour se plonger dans la lecture de ces textes. Les romans sélectionnés peuvent être lus par tout le monde et sont notamment à disposition sous forme numérique sur le site internet de la ville, car nous souhaitons proposer un accès facilité à ces textes. Qui peut voter et jusqu’à quand ? Tout le monde peut donner sa voix. Les votes sont encore possibles jusqu'au 29 février, ils peuvent s'effectuer via le site internet de la ville de Lausanne. Des bulletins de vote sont aussi à disposition dans certains lieux du livre à Lausanne et ailleurs en Suisse romande. Ces bulletins peuvent être renvoyés par la poste. L’annonce de la lauréate ou du lauréat se fera lors de la cérémonie qui a lieu le 4 mars au théâtre Vidy-Lausanne. Toutes les informations sur les livres, sur les auteur·es et sur les votes sont disponibles sur le site de la Ville de Lausanne. J’espère que vous serez nombreuses et nombreux à voter et j'encourage toutes les lectrices et tous les lecteurs à donner leur voix.
Propos recueillis par NJ
Vertigineux
Le Cervin lui va à gravir
Pour son deuxième roman, l'écrivain franco-suisse Florian Forestier s'intéresse au Cervin: sommet mythique et rêvé, mais aussi théâtre de nombreux drames et rivalités. Mi-fiction, mi-autobiographie, Un si beau bleu (ed. Belfond) mélange la quête personnelle d'un homme et l'univers si particulier de la montagne. Des propos recueillis par Manuela Salvi Adaptation web: Sarah Clément
L'écrivain argovien Klaus Merz est le lauréat 2024 du Grand Prix de littérature suisse. Le Prix spécial de la traduction revient à Dorothea Trottenberg. Sept autrices et auteurs sont encore distingués, dont trois francophones: Bessora, Jérémie Gindre et Ed Wige. ats/olhor
Dans son premier roman, Des êtres presque transparents, (ed. Presses inverses), l’autrice lausannoise Louise Bonsack emporte son lectorat dans un monde où la « déréalisation » de celles et ceux qui dérangent garantit un maintien de l’ordre et permet d’échapper au chaos. Et quand l’écriture est confisquée, tout espoir de changement semble réduit à néant. Louise Bonsack, également enseignante de français et de philosophie, est l’invitée de Quartier Livre. Animation : Ellen Ichters / Carte blanche : Quentin Mouron Quartier Livre, RTS La Première, di 18 février 16h
Disparu en 2009, Jacques Chessex aurait eu 90 ans en 2024. Figure majeure et controversée des lettres romandes, l’écrivain vaudois traverse aujourd’hui son “purgatoire”. On l’étudie peu, on le lit sans trop en parler. Que faire, alors, de cet héritage littéraire, quand l’homme, ses blousons vert olive et ses fulminations tiennent aujourd’hui de la légende ? La question valait bien un numéro quintuple (!) de la revue Le Persil. Coordonné par Ivan Garcia , cet épais journal convoque amis, fidèles, témoins et émules à repenser le legs de Chessex, offrant une synthèse passionnante des grandes voies et ornières de son parcours littéraire et humain. Ivan Garcia est l’invité de Nicolas Julliard, en compagnie du cinéaste Jacob Berger et du journaliste et écrivain Thierry Raboud. Quartier Livre, RTS La Première, di 11 février 16h
"Ce livre raconte un imposteur extraordinaire, à travers les témoignages des femmes qui lʹont aimé, un détective privé qui lʹa suivi, les policières qui lʹont attrapé. De Paris à Varsovie en passant par les favelas du Brésil, un incroyable voyage à la recherche dʹun caméléon de génie. Elles cherchaient lʹhomme idéal, il composait lʹamoureux de leurs rêves. Au risque de tout perdre, et de se trouver pris à son propre piège: le nôtre, celui du livre et de la fiction". Sonia Kronlund, L'homme au mille visages aux éditions Grasset, en librairie depuis le 3 janvier 2024. Sonia Kronlund est lʹinvitée de Rafael Wolf. Vertigo, RTS La Première, me 14 février
Rencontre avec Bastien Roubaty Soirée au cirque avec Bastien Roubaty et Le Garçon-léopard (PLF éditions, 2022). Le Garçon-léopard raconte l’histoire du cirque Van Ornum et de sa survie économique, à travers les yeux d’un jeune homme, Bertil, fils du comptable et émerveillé par l’univers artistique dans lequel il grandit. C’est un roman d’apprentissage qui raconte le passage de l’adolescence à l’âge adulte du héros, qui touche également bien d’autres thématiques sensibles comme la découverte de la sexualité, la magie de l’art ou encore la condition des artistes. Bastien Roubaty est accompagné d’Adeline Mélo (clarinette) et Alexandre Berto assure la modération. La rencontre a lieu au Café du Loup de Lausanne. Tulalu !?, Lausanne, lu 19 février
Ateliers du jeudi – Romance Vous avez toujours voulu écrire une romance ou vous êtes simplement curieux de découvrir ce qui se cache derrière ce genre qui met l’amour à l’honneur ? A travers cet atelier, vous découvrirez les codes de cette littérature et ses sous-genres, les schémas narratifs incontournables (les tropes) et les scènes clé qui jalonnent ces intrigues sentimentales. Vous apprendrez également quels éditeurs se sont spécialisés dans ce secteur en plein essor avant de mettre la main à la pâte et de fabriquer un texte savoureux en mélangeant des ingrédients : une pincée de passion et une grande cuillère de sentiments. Le but ? Passer un joyeux moment de découverte en toute bienveillance ! Ce cours est proposé par Cari Keys, romancière et chroniqueuse. MEEL, Monthey (VS), je 22 février
Lecture – Une heure avec Alice Rivaz Plongez au coeur des textes d'Alice Rivaz, lus par la voix si juste d'Yvette Théraulaz, immense comédienne et chanteuse que l'on ne présente plus, et qui a également fait le choix des textes qu'elle partagera. Quant à Alice Rivaz, elle est celle qui en 1947 écrivait La Paix des Ruches, roman novateur et véritable pamphlet sur la condition féminine, deux ans avant Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir. Dans un mélange d’acuité impitoyable et d’espoir obstiné, Alice Rivaz tire sur un fil et détricote sous nos yeux le modèle patriarcal. De la grande littérature, lue par une grande comédienne. Dans l'espace intime de la Maison du Récit, c'est l'assurance d'une soirée qui ne sera que chaleur humaine, intelligence des mots et sensibilité de la transmission. La Maison du Récit, Lausanne, je 22 février