Les « cadeaux » faits à certaines professions (SNCF, aiguilleurs du ciel, etc.) pour éviter les conflits sociaux durant les JO sont-ils pris en compte dans les prévisions de la Cour des comptes ? Absolument pas. Les primes aux policiers, jusqu’à 1 900 euros, celles annoncées pour les agents des services publics en première ligne (de 1 000 à 1 500 euros) sont à la charge des entreprises ou des administrations. C’est un budget à part. Les JO offrent une fenêtre de négociation pour les organisations syndicales. On peut parler de gain d’opportunité mais soyons clairs et posons les bonnes questions : qui a demandé aux patrons de la RATP et de la SNCF de tout faire pour éviter des perturbations pendant les Jeux ? L’État actionnaire. La réforme de l’aménagement des fins de carrière à la SNCF qui déroge aux principes de la réforme des retraites est le produit d’une injonction de Matignon aux dirigeants de l’entreprise. Cette réforme interne a sans doute coûté sa place à Jean-Pierre Farandou mais s’il en a pris l’initiative, c’est parce qu’on ne lui a pas laissé le choix ! Cette propension des dirigeants politiques à charger les patrons des entreprises publiques de leurs propres turpitudes est insupportable. La piscine construite en Seine-St-Denis en vue des J0 a coûté 100 millions d’euros de plus que prévu. Peut-on redouter de nouveaux dérapages avec la construction d’autres équipements sportifs ? Le risque est faible. Les infrastructures existaient déjà. Dans le cas de la piscine olympique en face du Stade de France, l’estimation de départ n’était pas réaliste. C’est un biais assez français. Pour rendre plus attractive la copie de départ, on minore les coûts. Ça nous rappelle un épisode récent de l’actualité, celui des prévisions budgétaires très, voire trop optimistes. La Ville de Paris a-t-elle sous-estimé les coûts, notamment en matière de sécurité, pour séduire le Comité international olympique ? Entre l’attribution des Jeux à Paris et ce printemps 2024, le contexte a changé. La menace est protéiforme. À l’évidence, la sécurité sera capitale pour réussir les Jeux. C’est le type de dépenses qu’on ne doit pas rationner. À la fin, c’est toujours le contribuable qui paie. Les élus qui choisissent de travestir la réalité pour convaincre ne sont jamais poursuivis. C’est triste à dire mais la lucidité n’est pas toujours récompensée. Le processus d’attribution des J0 à partir d’un processus d’enchères doit-il être réformé pour éviter la winner’s curse, la malédiction financière de la ville lauréate ? Votre question est complexe. Je suis convaincu qu’on peut organiser des Jeux sans se trouer les poches. Il ne faut pas laisser l’olympisme à des régimes autoritaires peu soucieux de considérations financières. Certaines villes lauréates ont réussi des Jeux équilibrés, voire bénéficiaires comme ce fut le cas à Los Angeles. Dans ce cas précis, le secteur privé a pris la main et c’est sans doute la raison pour laquelle les Jeux de 1984 ont dégagé un bénéfice de 180 millions de dollars. En définitive, la France va-t-elle gagner ou perdre de l’argent ? Le contexte est tellement « gazeux » qu’il est impossible de se projeter. Quoi qu’il en soit, les JO n’ont pas été conçus pour produire des profits. L’immense majorité des visiteurs viendra de France. Les dépenses associées aux JO sont financées par l’État, les collectivités, la billetterie et les partenaires privés du comité d’organisation. Les recettes, exception faite de la billetterie, seront plutôt perçues par le secteur du commerce, des services et des loisirs et par l’État à travers la TVA.
Ceux qui encaisseront ne sont pas ceux qui auront payé.
Si tout se passe bien, l’exercice devrait être équilibré. On parle d’un surplus de 0,3% de PIB. Au point où nous en sommes, ce n’est pas tout à fait négligeable. |